Vous roulez sur un bypass pas trop fréquenté, peut-être un peu au-dessus de la vitesse autorisée. Après tout, c’est un dimanche après-midi et il n’y a pas grand monde sur ce tronçon. Au loin, vous voyez deux motos foncer dans votre direction. Une d’entre elles roule pile au milieu des deux voies. L’autre, plus ou moins dans son couloir. Vous vous dites qu’une des bécanes double l’autre et qu’elle finira par se rabattre. Arrivé à 150 mètres d’eux, vous vous rendez compte qu’ils font la course et que la moto qui roule au milieu de la route n’a aucune intention de corriger sa trajectoire. Vous pilez sur le frein en donnant un coup de volant à gauche, évitant de justesse l’impact. Vous laissez échapper une bordée d’insultes et maugréez : Où est donc la police !?

Quelques automobilistes ont dû vivre ce moment stressant ce dimanche après-midi sur le by-pass de Goodlands…jusqu’à ce que la police arrive. Toutefois, au lieu de décamper en quatrième vitesse ou d’accepter d’être pris en contravention, les amateurs de vitesse ont fait de la résistance. La crapule de la bande allant jusqu’à l’affrontement avec un officier de police, sous les encouragements de ses compagnons-groupies. Pour remplacer les civilités : des crachats et un coup de poing. A voir l’expression sur le visage du policier pris à partie, on devine qu’il ne s’attendait pas à ce que la situation dégénère ainsi. La vidéo qui circule depuis hier sur Facebook montre toutefois que c’est bien ce qu’il s’est passé.

La surprise du policier est surprenante. Lancer deux officiers de l’Emergency Response Service à bord d’un véhicule de police aux trousses d’une bande de voyous à moto comporte un risque évident. Celui de se retrouver en sous-effectif face à des contrevenants hostiles. Les post-pubères en mal de sensations fortes ne font pas grand cas des règles. Surtout quand ils se convainquent que la police a d’autres chats à fouetter. Après tout, c’est ce qu’ils entendent dans les médias.

Les campagnes de sécurité routière ciblent surtout la trinité du mal sur nos routes : la conduite en état d’ivresse, le portable au volant et les excès de vitesse. La Traffic Branch de la police se fait ainsi un devoir de rappeler aux automobilistes que ces activités peuvent leur coûter cher et répertorie régulièrement les contraventions dressées dans chaque catégorie. Néanmoins, les forces de l’ordre ne se targuent jamais d’avoir distribué 200, 100 ou même 50 contraventions en un jour pour d’autres incivilités routières.

On se prend donc à penser que certains comportements en sont devenus acceptables. Oubliés, les cas de dangerous driving ou de driving without due care and consideration. Sinon comment expliquer qu’on croise chaque nuit des voitures équipées de phares à la lumière aveuglante. Ou encore que les policiers n’agissent presque jamais contre les resquilleurs qui bifurquent sur des voies parallèles pour se rabattre au dernier moment devant ceux ayant choisi la bonne voie. Sans oublier ces conducteurs qui ne respectent pas les stops et descendent de leur véhicule pour menacer, voire malmener ceux qui les rappellent à l’ordre. La liste est longue.

Si la police voulait démontrer qu’elle fait respecter toute la panoplie d’infractions à la Road Traffic Act, elle dresserait des dizaines de procès-verbaux chaque jour dans les principales agglomérations du pays. On entend déjà la réplique : «On ne peut pas mettre un policier à chaque coin de rue.» Mais tout comme la police envoie des messages clairs à travers ses opérations médiatisées, pourquoi l’incivilité au volant et derrière le guidon ne ferait-elle pas l’objet d’une attention toute aussi particulière quelques jours par mois ? Histoire de bien faire comprendre que toutes les règles du code de la route ont vocation à être respectées.

Le respect découle souvent de la cohérence des règles qui nous sont imposées. Les idiots qui roulaient à tombeau ouvert et dangereusement à Goodlands, ce dimanche, se rendaient d’abord coupable de «road racing». Encourant une amende de Rs 1 000 seulement. Alors que le «dangerous driving» et «driving without due care» débouchent sur des amendes de Rs 5 000 et Rs 3 000 minimum respectivement. La distinction est étonnante quand on sait que la bêtise et l’irresponsabilité sous toutes les formes doivent être punies.

Si les responsables des forces de l’ordre font du portable au volant, de la conduite en état d’ivresse et de la vitesse leurs seules préoccupations, ils méritent aussi une amende. Celle de policing without due care.

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