Coup de poker ou pas ? La partielle à Piton/Rivière-du-Rempart (no 7) fait l’objet de vives spéculations depuis l’émission du writ of election, la semaine passée. L’opposition, dans son ensemble, paraît convaincue que Pravind Jugnauth rendra la partielle caduque en procédant à la dissolution de l’Assemblée nationale avant le scrutin du 13 novembre. C’est déjà arrivé. Un autre Jugnauth, sir Anerood, avait eu recours à la même tactique en 1987. Le contexte politique étant différent, le choix du Premier ministre pourrait ne pas être nécessairement le même que son prédécesseur.

Il y a d’abord les raisons objectives contre la tenue de la partielle. Un tel exercice coûtera entre Rs 15 millions et Rs 20 millions aux contribuables. De 2015 à 2018, le Parlement a été en session entre 5 et 9 fois de la deuxième quinzaine de novembre à fin décembre. L’Assemblée nationale devant être dissoute, de facto, le 21 décembre prochain, le nouveau député élu au no 7 sera celui qui aura coûté le plus aux contribuables. Plus de Rs 2 millions par séance parlementaire, s’il participe à 9 séances. Il y a un prix à payer pour la démocratie, mais la facture que présentera Pravind Jugnauth au pays en maintenant la partielle sera néanmoins exorbitante.

Si le leader du MSM se trouve prisonnier de ce conflit de calendrier, c’est parce qu’il a raté une fenêtre de tir électorale dans les jours suivant la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo. Le Premier ministre aurait en effet pu tenter de prendre l’opposition au dépourvu et annoncer, disons dès le 22 mars, la tenue d’une partielle pour disons le 28 avril. Pour réaliser ce coup de poker, Pravind Jugnauth aurait dû disposer de quatre cartes dans son jeu.

Premièrement, une solide dose de sang-froid. Deuxièmement, un candidat idéal pour la circonscription. Troisièmement, de bonnes raisons de croire en la force électorale du MSM dans le fief de SAJ. Quatrièmement, un agenda personnel et gouvernemental suffisamment clairsemé pour accommoder une campagne électorale courte mais intense au no 7. Selon toute vraisemblance, il manquait plusieurs cartes dans le jeu du chef du gouvernement pour tirer vite et dans le mille.

Peu importe le nombre de cartes dont dispose Jugnauth maintenant, la plus décisive semble être la troisième. Si le MSM avait abordé les législatives de 2014 sans réelle ambition de mettre une raclée à l’alliance Parti Travailliste (PTr)/MMM, le parti ne peut se permettre d’être timoré au no 7. Car c’est une circonscription orpheline, qui souffre de l’absence de SAJ et Luchmeenaraidoo depuis décembre 2014. Et dont les habitants de certaines localités, comme Cottage ou Gokhoola, sont extrêmement remontés contre l’absence de poids lourds politiques dans la région.

Si le Premier ministre ne peut certainement pas espérer que le no 7 lui déroule – ainsi qu’à son candidat – un tapis rouge, il peut effectuer un autre calcul pour néanmoins tenter le pari de la partielle. Le MMM crie au bluff et le PMSD a déjà annoncé qu’il ne compte pas s’aligner dans une circonscription où il ne dispose pas d’une vraie assise.

La partielle, si elle a lieu, sera donc un duel entre le MSM de Pravind Jugnauth et le PTr de Navin Ramgoolam. En cela, cette joute électorale, circonscrite au no 7 – mais indicative du comportement électoral d’environ 9 autres circonscriptions – peut représenter un vrai galop d’essai pour le patron du parti soleil.

Il y a bien évidemment le risque – réel – d’une défaite qui pourrait alors créer un effet domino en faveur du PTr. Mais il y aussi le levier des rapports de forces. Par exemple, quel sera le comportement de ceux qui votent traditionnellement MMM au no 7? La candidate mauve qui avait fini 6e lors des législatives de 2010 avait recueilli 31% des suffrages.

Le MSM doit donc espérer et créer les conditions pour déclencher un report de voix de ses militants dans les 13 villages de la circonscription. Dépendant de l’ampleur du report, les rapports de force peuvent s’inverser. Si on ajoute à cela une campagne électorale du gouvernement qui consistera à pilonner en priorité Navin Ramgoolam, la situation difficile du MSM sur papier pourrait être contredite dans les urnes.

Tout cela n’est toutefois que conjectures. Car si Pravind Jugnauth persiste à organiser la partielle, c’est parce qu’il a besoin de temps. Même si le Parlement sera dissout le 21 décembre et qu’il sera à la tête d’un lame duck governement, il demeurera Premier ministre. Procédera à des inaugurations; accueillera, qui sait, le Premier ministre indien Narendra Modi; continuera à bénéficier de l’appui de la MBC; sera briefé quotidiennement par les services de renseignement. Il aura l’appareil d’Etat à sa disposition. Surtout s’il remporte la partielle, Pravind Jugnauth pourra jouer la montre et repousser les législatives à mars ou avril.

Le Parlement aura alors été dissout depuis quelques mois. Mais d’ici là, les élus du MSM auront maîtrisé leurs argumentaires de meetings. Car la bienveillante Speaker semble avoir choisi de permettre aux élus du gouvernement d’effectuer autant de discours hors sujet et politiciens qu’ils le souhaitent. C’est à se demander si le MSM ne proposera pas qu’on renomme Parliament TV en Meeting MSM/ML TV dans son manifeste électoral.

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