Il est sain d’exclure certaines institutions de la propension générale des Mauriciens de tout voir par le prisme de la politique. Le judiciaire est ainsi une des rares institutions à être perçue comme étant en dehors de la mêlée. A fortiori, il devrait en être de même pour la présidence. Car la Constitution confie au chef de l’Etat la responsabilité de «uphold and defend» la loi suprême de la République afin de notamment s’assurer que «the institutions of democracy and the rule of law are protected». Les événements des semaines passées démontrent à quel point les récents locataires de la State House ont écorné le prestige de la présidence.

Commençons par la nomination d’Ammanah Ragavoodoo à l’Electoral Supervisory Commission (ESC). Les compétences de cette avouée diplômée de la London School of Economics ne sont pas remises en doute. Par contre, sa proximité avec le MSM, et le Premier ministre en particulier, laisse planer un doute sur sa capacité à être impartiale au sein d’une institution garante du fonctionnement d’un aspect fondamental de notre démocratie : la surveillance du processus électoral. Sharmila Sonah-Ori, pressentie pour ce poste, avait eu lélégance de décliner l’offre. Son affiliation politique étant encore plus affichée que celle de Ragavoodoo, ayant été élue en 5position sous la bannière MSM-MMM lors des municipales d’octobre 2001, à Quatre-Bornes.

Les arguments avancés par les principaux responsables politiques de l’opposition au Parlement n’ont rien fait. Barlen Vyapoory a «rubber stamped» la nomination soufflée à son oreille par son boss. Car après tout, il faut bien considérer Pravind Jugnauth comme le patron politique du chef de l’Etat par intérim. Tant celui-ci semble navoir pas compris les pouvoirs que lui confie l’article 38 de la Constitution portant sur la nomination des membres des «Electoral Commissions».

Car contrairement à la nomination d’une commission d’enquête, par exemple, le président de la République n’est pas tenu par un «advice» du chef du gouvernement ou d’un ministre pour la constitution de lESC. La Constitution lui ordonnant seulement de consulter le patron de la majorité parlementaire et les responsables politiques de l’opposition au sein de lAssemblée nationale.

Tous les gouvernements ont eu la tentation de nommer des proches, voire des affidés à l’ESC. Toutefois, certains présidents de la République ont fait fi, de manière diplomatique, des souhaits du Premier ministre par rapport à la nomination de certains membres de cette institution. Ils savaient qu’ils avaient la Constitution de leur côté ainsi que les conseils de personnes avisées. Barlen Vyapoory, probablement très – ou trop ? – reconnaissant d’assurer l’intérim à la présidence de la République, en a oublié dassumer la plénitude de sa fonction.

D’oubli, il en était aussi question lors de l’audition du 26 octobre de la commission d’enquête sur les agissements d’Ameenah Gurib-Fakim alors qu’elle était présidente. Créé depuis 30 ans, le Reduit Appeal Fund (RAF) avait atteint un pic de Rs 500 000 à Rs 600 000 lors de la présidence de Cassam Uteem. Administrée de manière artisanale à l’époque, ce fonds d’aide n’a pas servi à financer des projets importants. Il n’a pas, non plus, reçu de contributions conséquentes jusqu’à ce qu’Ameenah Gurib-Fakim arrive à la State House. Les liens privilégiés de l’ex-présidente avec Alvaro Sobrinho ont notamment permis de capter un don de USD 100 000 (Rs 3,5 millions).

Malgré l’importance soudaine des sommes versées au RAF, celui-ci n’a fait l’objet d’aucun exercice d’audit. Même pas quand le ministère de l’Egalité des genres a versé un total de Rs 2,7 millions au fonds pour l’organisation d’un Women’s Forum. Les dons d’entreprises, pour certaines cotées en bourse, n’ont également pas amené les gestionnaires du fonds à respecter un principe fondamental de la bonne gouvernance : l’audit. Conséquence : à son apogée, le RAF sous l’ère Gurib-Fakim avait atteint la somme de Rs 11 millions. Renseignement pris, nous apprenons même que quelques centaines de milliers de roupies ont été utilisées de ce fonds pour éditer un livre. Pour qui ? Et au profit de qui ? La commission d’enquête, espérons-le, fera la lumière sur cette question.

Sir Anerood Jugnauth a politisé outrancièrement l’institution en en faisant une base arrière du MSM. Ameenah Gurib-Fakim semble, elle, n’avoir ni compris ni maîtrisé la fonction. Barlen Vyapoory ajoute une dimension additionnelle à son job de préposé à l’inauguration des chrysanthèmes : il est désormais aussi tamponneur des décisions du gouvernement. Peut-on faire pire ? Attendons les propositions des principaux partis pour le poste durant la campagne électorale pour le savoir.

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