Sept mois après leur arrivée au pouvoir, les trois partenaires de l’Alliance Lepep « apprennent [encore] à travailler ensemble ». Ce qui n’est en rien problématique. Car les principaux responsables de l’équipe gouvernementale rassurent : le « consensus » règne. L’union de surface cache néanmoins de puissantes forces telluriques. Le MSM, le PMSD et le Muvman Liberater sont mus par des dynamiques différentes. La collision de leurs plaques tectoniques pourrait donc nous réserver quelques séismes politiques à l’avenir…

MSM : asseoir l’autorité de Pravind Jugnauth. Le leader du MSM est à la tête d’une majorité absolue de députés au Parlement. Ainsi, qu’on le veuille ou non, si sir Anerood Jugnauth se réduit à une retraite anticipée à La Caverne, son fils sera de facto un Premier ministre constitutionnellement légitime. Mais le sera-t-il politiquement ? Il est difficile de nier que le choix des dernières élections a reposé sur une unique confrontation : SAJ contre Navin Ramgoolam+Paul Bérenger. A aucun moment dans la campagne les principaux responsables de l’Alliance Lepep ne se sont d’ailleurs hasardés à évoquer en détail les conditions dans lesquelles Pravind Jugnauth serait appelé à prendre la relève… dans un, deux, trois, quatre ou cinq an(s).

A ce jour, il y a ainsi une frange d’électeurs qui ont voté pour l’Alliance Lepep qui ne reconnaissent pas dans le leader du MSM un chef du gouvernement légitime. Il faut avouer qu’on arrive difficilement à cerner ce qui a été concrètement fait par le parti soleil pour mieux positionner son leader comme le (futur) boss du gouvernement. Le fait que son ministère actuel n’est pas très glamour et n’a pas encore d’action spectaculaire à son actif n’arrange rien, non plus.

Cela s’en ressent dans la cote de popularité de Pravind Jugnauth. Le dernier sondage de DCDM Research lui fait faire quasiment jeu égal avec Ivan Collendavello [56% d’approbation contre 54%]. Tout en étant nettement devancé par Xavier Duval et Vishnu Lutchmeenaraidoo [69% chacun]. SAJ jouant dans une ligue dont il est le seul acteur [75%]. Les sondages seront des indicateurs réguliers. Mais le succès de Pravind Jugnauth en tant que chef du gouvernement et patron de son alliance ne se mesurera en termes réels qu’à la veille des prochaines élections générales.

La démonstration de son ascension se traduira en effet dans une arithmétique simple : le nombre de tickets que se réservera le parti soleil pour les prochains scrutins nationaux. SAJ a ménagé 60% des tickets [36 investitures] pour les dernières élections. Si Pravind Jugnauth conserve le capital politique légué par son père, il devra exiger au moins le même nombre de tickets. Pour cela, il lui faudra faire la démonstration, dès que possible, de sa capacité à diriger son parti et son alliance avec la poigne d’un SAJ de la fin des années 80. Deux séries d’obstacles se dresseront toutefois sur son chemin.

Il y a d’abord les renégats en puissance au sein de sa propre formation politique. Ils sont au moins trois au MSM à penser qu’ils ont l’étoffe d’un futur Premier ministre. Les uns fondent leur ambition sur leurs compétences (présumées ou avérées) tout en occultant le fait qu’ils sont « mal nés ». Les autres croient savoir que leur riche « track record » et leur vivacité d’esprit suffiront à faire d’eux des challengers potentiels de Pravind Jugnauth le moment venu. Néanmoins, ils ont peu de chances de réussite. Non pas parce qu’ils ne sont pas méritants… mais tout simplement parce qu’ils ne contrôlent pas le nerf de la guerre : le financement du parti. Qui restera invariablement entre les mains de Pravind Jugnauth.

Dépendant de la nature de la guerre de succession ; ouverte ou feutrée ; loyale ou à coup « d’affaires » plantées dans la presse, Pravind Jugnauth aura plus ou moins de mal à rebondir à temps et indemne pour affronter sa deuxième série d’obstacles. Ce ne seront ni le MMM ni les travaillistes qui pourront alors poser problème. Mais bien les deux autres partenaires de l’Alliance Lepep. Pour bien des raisons, le PMSD et le ML n’ont pas intérêt à ce que Pravind Jugnauth devienne un leader puissant comme SAJ a pu l’être à son apogée.

Il suffit de bien étudier la tectonique des plaques de l’Alliance Lepep pour comprendre pourquoi…

(à suivre)

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