Le Comité des Nations-Unies pour l’élimination de la discrimination raciale n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Ses observations sur Maurice, publiées le 30 octobre, épinglent le pays pour ses efforts insuffisants pour garantir une égalité des chances à tous. Donner le statut de langue officielle au kreol, reconnaître et réduire les discriminations à l’encontre des Créoles, et rétablir le recensement ethnique figurent parmi ses recommandations.

Port-Louis est également pointée du doigt pour la non-mise en œuvre de certaines clauses de la convention pour l’élimination de la discrimination raciale dont elle est pourtant signataire.

Classification ethnique

«Le Comité regrette l’Etat partie persiste à ne pas recueillir des données ventilées par origine ethnique», est-il écrit (voir document plus bas). L’instance onusienne estime que cela l’empêche d’évaluer «l’exercice des droits humains par les différents groupes ethniques» présents à Maurice. Le Comité l’enjoint ainsi de soumettre des statistiques, également ventilées par sexe, sur la «situation socioéconomique et la représentation», dont celles des «Créoles, des Chagossians, des personnes d’ascendance africaine, et des travailleurs étrangers», en ce qui concerne l’éducation, l’emploi, le logement et la politique.

Maurice devrait effectuer des «consultations nationales» pour revoir la classification ethnique. La Constitution, rappelons-le, définit quatre communautés : hindoue, musulmane, sino-mauricienne et population générale.

Le Comité onusien s’inquiète également des «structures hiérarchiques selon les origines ethniques et les castes persistent» à Maurice. Cela bien que la loi ne les reconnaisse pas.

Le groupe Affirmative Action avait, lors de sa présentation orale du 14 août, notamment mis en exergue le «profilage ethnique» en faveur des Vaish en ce qui concerne les candidats aux élections. Son porte-parole, père Jean Claude Veder, n’a pas voulu faire commentaire le rapport du Comité des Nations unies à ce stade. Voulant d’abord l’étudier.

Accélérer la réforme électorale

Maurice doit accélérer le processus de réforme électorale, écrit le Comité des Nations unies. Et s’assurer de «la participation en politique de, et de la représentation adéquate des groupes ethniques». Car elle craint que la «participation au niveau politique ne reflète pas les différentes composantes de la population». Mais aussi que «la participation et la représentation politique (…) soient largement influencées par l’origine ethnique». A ce chapitre, le Comité demande également des statistiques selon le sexe et l’origine ethnique «sur la représentation politique dans le gouvernement, au Parlement, dans le judiciaire et les forces de l’ordre».

La mise sur pied, en 2011, de la Commission Justice et Vérité vaut à Maurice des applaudissements du comité. Qui ne manque toutefois pas de souligner que «la majorité des recommandations» n’ont pas été mises en œuvre à ce jour. Le Comité mentionne ainsi l’ouverture du Musée de l’esclavage ou encore les cas de dépossession des terres aux dépens de descendants d’esclaves et de coolies.

Le Comité des Nations unies veut aussi des statistiques ventilées selon l’origine ethnique concernant la population de détenus et de personnes qui passent par le système judiciaire. Cela dans le cadre de la prévention de discrimination raciale dans le système pénal.

Les Créoles : «discrimination de facto»

Le Comité craint également que «les Créoles, incluant ceux de Rodrigues et d’Agalega, soient sujets à une discrimination de facto ‘in all walks of life’ et restent désavantagés». Ils sont «de manière disproportionnée vulnérables la pauvreté et ont un accès limité à l’emploi, au logement, aux services de santé et à l’éducation», souligne encore le rapport. Qui s’inquiète du «manque de mesures visant spécifiquement à améliorer leur situation».

Le rapport souligne également les «discours haineux», sur les réseaux sociaux et par des «personnalités publiques et politiques», à l’encontre de cette communauté.

Le Kreol, «langue officielle»

Maurice a soumis, à la mi-août, la liste des efforts entrepris pour asseoir le Kreol comme langue officielle (voir document plus bas). Le Comité des Nations unies s’inquiète cependant que cette langue «ne jouisse toujours pas d’un statut officiel, bien qu’elle soit la langue commune de la majorité des Mauriciens et enseignée à l’école». Il enjoint l’Etat à rectifier le tir. Notamment pour «éviter l’exclusion sociale de ceux qui ne parlent que le Kreol». (suite de l’article plus bas)

Maurice devra ainsi, dans l’année qui suit l’adoption des observations du Comité, communiquer les mesures prises pour cela. Ainsi que sur le dossier Chagos. Que ce soit au niveau de ses efforts pour un retour sur l’archipel ou pour améliorer la condition des Chagossiens vivant à Maurice.

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Discrimination et système judiciaire

Le faible nombre de cas en Cour concernant la discrimination raciale est loin de rassurer le Comité des Nations unies. Pour qui : «L’absence de complaintes ou de procédures judiciaires par les victimes de discrimination raciale peut indiquer que la législation n’est pas suffisamment précise, une méconnaissance des recours disponibles, un manque de confiance dans les recours judiciaires et non judiciaires, ou une réticence des autorités ou des institutions d’entamer les procédures.»

Dans les données soumises par Maurice quant aux complaintes pour discrimination raciale ou à cause de l’origine ethnique, le Comité des Nations unies relève que «la majorité des plaintes n’ont pas été référées à l’Equal Opportunities Tribunal ni fait l’objet de suivi». Le rapport soumis par Maurice ne comprend pas non plus les «effective remedies» apportées aux victimes de discrimination raciale.

Le comité recommande également que cesse le «profilage ethnique par la police», et qui vise notamment les Créoles. Et que les allégations à ce chapitre soient suivies d’«enquêtes efficaces» et les policiers qui font du profilage ethnique soient tenus pour responsables.

Equal Opportunities Commission

Le Comité souligne ses craintes quant à «l’ingérence qui lui a été rapportée de l’exécutif dans la nomination» des membres de l’EOC. Mais aussi du fait que l’EOC ne puisse pas enquêter sur des fonctionnaires et que les sanctions de l’Equal Opportunities Tribunal «ne soient pas à la mesure de la gravité des délits». Maurice doit prendre des mesures correctives, souligne le rapport.

Au vu de l’interaction entre langue et origine ethnique à Maurice, le Comité des Nations unies recommande que la langue soit incluse comme motif interdit de discrimination.

Maurice doit aussi introduire, dans sa législation, «des mesures spéciales visant à accélérer, pour les groupes désavantagés, l’exercice plein et égal de leurs droits».

Commission nationale des droits humains

Le Comité rappelle que la sélection, la nomination et la révocation des membres de la commission doit se faire de manière «indépendante, juste et transparente».

On se souvient qu’Anishta Babooram avait saisi le Comité des Nations unies suivant sa révocation l’année dernière.

Photo : Maneesh Gobin (au centre), ministre des Droits humains, lors de la présention orale du rapport de Maurice au Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, le 15 août 2018.

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