Cherchez. Dans la Constitution, le droit du travail ou ailleurs. Nulle part vous ne trouverez le principe selon lequel une personne qui démissionne est immédiatement absoute de tout acte qu’elle a pu commettre précédemment. En quittant son poste le 23 mars, Ameenah Gurib-Fakim ne met donc pas fin à l’affaire Sobrinho 2. C’est même l’inverse.

Il est difficile de ne pas être d’accord avec Pravind Jugnauth sur cette question. Le comportement de la présidente de la République, la semaine passée, était à la fois inélégant, honteux et irrespectueux de sa fonction. Toutefois, à notre connaissance, aucune loi ne punit l’inélégance ou l’irrespect de l’actuelle locataire du Réduit. Or, la phrase de Pravind Jugnauth de ce jeudi laisse peu de place au doute sur le fait qu’on n’est plus sur le terrain moral mais plutôt légal. «Tou saki mo kone valer dizour, li extrememan grav», a-t-il menacé.

Jusqu’ici, les faits «graves» reprochés à Raj Dayal, Ravi Yerrigadoo ou Showkutally Soodhun ont mené à leur démission et au démarrage d’enquêtes de police. On ne peut donc qu’en conclure que le Premier ministre communiquera dans les heures, si ce n’est les jours à venir l’ensemble des éléments qu’il détient à la police ou à toute autre autorité compétente afin qu’une enquête débute sur les agissements d’Ameenah Gurib-Fakim. S’il ne le fait pas, en s’abritant commodément derrière la nécessité de tourner la page, que Pravind Jugnauth ne s’étonne pas que nous l’accusions de couardise, voire de complicité.

Par contre, il est prématuré de faire un procès d’intention au Premier ministre lorsqu’il explique qu’il ne souhaite pas instituer une commission d’enquête sur les activités du milliardaire angolais Alvaro Sobrinho à Maurice seulement à partir d’éléments circonstanciels. Les nombreuses questions soulevées par Navin Ramgoolam amènent toute personne censée à douter. Mais en l’absence de quelques faits avérés et suffisamment graves, une commission d’enquête risque de se transformer en «fishing expedition» peu prolifique car disposant d’un mandat trop vaste.

Il paraît que, mis devant la possibilité que l’affaire Platinum Card contamine son gouvernement, le patron du MSM aurait laissé entendre qu’il est difficile de démontrer le lien entre des membres du parti soleil avec le milliardaire angolais controversé. Si c’est bien le cas, le Premier ministre a une raison de plus d’agir.

Pour cela, il dispose d’une alternative : un fact-finding committee (FCC). Ce dispositif, plus agile et moins contraignant qu’une commission d’enquête, pourrait se cantonner, par exemple, à déterminer le degré d’implication de fonctionnaires dans les activités de l’Angolais controversé à Maurice ainsi que les facilités dont les entreprises de Sobrinho ont pu bénéficier de nos institutions publiques.

Les conclusions de ce comité, s’il est dirigé par une personne compétente et intègre, pourraient alors servir de base de travail pour une enquête plus approfondie de la police, de la Commission anticorruption ou de la Financial Intelligence Unit. Mais bien évidemment, Pravind Jugnauth ne peut songer à mettre en place un FFC sans prendre l’engagement de déposer le rapport à l’Assemblée nationale. C’est une garantie de taille contre le triangle des Bermudes local qui a récemment englouti le rapport Aujayeb sur la rémunération de Vijaya Sumputh du temps où Anil Gayan était son patron.

Faute de pouvoir démontrer une réelle volonté d’agir contre l’emprise des pouvoirs de l’argent sur son gouvernement, Jugnauth risque de subir les déflagrations de nouvelles dirty bombs. A notre connaissance, un titre de presse dispose de nouveaux éléments sur les liens politico-financiers de Sobrinho. Un parti d’opposition compile patiemment, aussi, un dossier à charge. Tandis qu’un homme du pouvoir, au fait des accointances du milliardaire avec certains de ses pairs, pourrait lâcher, par inadvertance, quelques bribes de ce qu’il sait…

On se fiche de la vitrine de dynamisme, de modernité et de moralité du concept store de Pravind Jugnauth. Après un an au pouvoir, la nation veut qu’il nous fournisse une denrée de base : du courage politique.

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