L’audition de Dass Appadu se poursuit (lire la première partie ici). Les questions portent cette fois sur son rôle auprès de la présidence de la République après son retour à la fonction publique. «Vous aviez été informé dès fin octobre [2016] que vous étiez muté», lui fait remarquer le juge Caunhye. «Avez-vous continué à vous rendre à la State House pour faire certaines tâches ?»

«Oui», confirme le principal intéressé devant la commission d’enquête, ce mercredi décembre. «I was being regularly convened at her behest several times a week.» Ameenah Gurib-Fakim était critique de son personnel : «She told me she had useless officers who couid not even write one paragraph of a speech.»

[blocktext align=”left”] Le juge Caunhye : était-il «in order for you to go back at State House and perform duties» ? «Je l’ai fait pour la bonne cause», réplique Appadu. «She was desperate and helpless.»[/blocktext]

Mais était-ce «in order» de continuer à assumer des fonctions à la State House ? l’interroge le juge Caunhye. «I didn’t assume duties. Je ne faisais que l’aider. I couldn’t resist such a request coming from the president.»

Le président de la commission d’enquête le recadre et insiste sur sa question : était-il «in order for you to go back at State House and perform duties» ? «Je l’ai fait pour la bonne cause», réplique Appadu. «She was desperate and helpless.»

Le juge Caunhye hausse le ton et lui demande si c’est normal de continuer à faire un travail alors qu’on a été muté de ce poste. «There is no hard and fast rule», répond Appadu, qui réitère avoir agi suivant les requêtes d’Ameenah Gurib-Fakim.

Le Permanent Secretary expliquera, un peu plus tard lorsqu’interrogé par MHervé Duval : «There is no appointment in a substantive capacity to the position of secretary to the president.» Il y a «assignment» à ce poste, selon les procédures en cours. «And when you are assigned those duties, you are for all intents and purposes the responsible officer for the office of the president?» veut encore savoir Caunhye.

Le Senior Counsel se fait plus tranchant : «Can you confirm that there is nothing in our Constitution which empowers the president to exercise general direction and control over the office of president?» Dass Appadu tente de se défendre : «Je ne suis pas un expert constitutionnel.»

«But you are the one who according to your scheme of duties that advised the president that advised the president on the constitutional and official obligations», relève celui qui représente Ameenah Gurib-Fakim. Le haut fonctionnaire se rebiffe : «Advise is one thing. Accepting the advice is something else.»

Il ne nie pas avoir fait des requêtes pour accéder au VIP Lounge de l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam. Dass Appadu insiste cependant : cela s’est fait avec le «full consent, knowledge and approval» d’Ameenah Gurib-Fakim. La locataire du Réduit aurait pu, du reste, le rapporter au chef de la fonction publique ou au Premier ministre si elle était insatisfaite des actions du haut fonctionnaire, a fait remarquer ce dernier au juge Caunhye et à ses assesseurs durant son audition, le mercredi 5 décembre. Mais la chef d’Etat ne l’a pas fait.

[blocktext align=”right”]«Eski mo pa gagn drwa demann VIP access pou kikenn ki pe investi par miliar dan Moris?»[/blocktext]

La commission d’enquête a identifié 48 requêtes liées à Alvaro Sobrinho, ses entreprises, des membres de sa famille ou de Planet Earth Institute. Dass Appadu dit toutefois devoir vérifier avant de pouvoir confirmer si toutes ont été effectuées par lui ou des fonctionnaires sous son autorité. Mais se référant à une réponse à une Private Notice Question, 39 requêtes pour accéder au VIP Lounge de l’aéroport ont été faites.

«Vous saviez qui a droit au VIP Lounge. Pourquoi avez-vous fait des requêtes pour des membres de Planet Earth Institute ?» l’interroge le juge Caunhye. «Je l’ai fait à la demande express de la présidente», répond le haut fonctionnaire. Il y a de la «flexibilité» au niveau du bureau du Premier ministre, «subject to discretion» du chef du gouvernement.

Parce que les members d’ONG n’ont, en règle générale, pas accès au VIP Lounge, les Affaires intérieures écrivent à Appadu le 29 avril 2016 pour préciser si la requête reçue la veille pour des membres de PEI ceux-ci sont des «special guests» de la présidente de la République. Cela afin de pouvoir émettre les autorisations nécessaires.

Appadu et le secrétaire aux Affaires intérieures se rencontrent dans la matinée du 29 avril. A l’agenda : les demandes d’accès au VIP Lounge. Cette réunion est suivie d’un courrier signé Dass Appadu dans lequel il détaille les investissements du groupe d’Alvaro Sobrinho à Maurice. Le juge Caunhye lui fait alors remarquer : «You would agree with us that you are making a strong case for VIP access to granted.» Parce que l’Angolais n’est pas seulement connu de la présidente, mais aussi «philanthrope».

Appadu veut tergiverser mais le président de la commission d’enquête le recadre.

Le haut fonctionnaire explique alors avoir montré le courrier des Affaires intérieures à la présidente. «She was upset», fait remarquer Appadu. Et de citer les propos de Gurib-Fakim à ce moment-là : «Eski mo pa gagn drwa demann VIP access pou kikenn ki pe investi par miliar dan Moris?»

Dass Appadu rencontre alors le secrétaire au Cabinet pour lui dire qu’il ne peut «resist her instructions». Nayen Koomar Ballah lui intime alors, «à l’avenir, de signer lui-même toutes les requêtes et de dire qu’elles sont ‘known to the president’». Et ce pour chaque nouvelle requête. Appadu devait aussi fournir des détails sur les activités de Sobrinho à Maurice.

La plaque d’immatriculation «personnalisée» une «coïncidence»

Les questions bifurquent sur le véhicule qu’utilisait Appadu. Celui-ci avait à sa disposition sa voiture officielle et celle fournie pour les activités du Planet Earth Institute, qu’il a utilisée «quelques fois» entre novembre 2016 et mi-janvier 2017. «I don’t deny I travelled in that car in and out of the State House.» Basée à Ebène, la voiture était aussi utilisée pour véhiculer d’autres personnes.

A-t-il fait personnaliser la plaque d’immatriculation, qui se lisait ainsi : D1955 ? «Pas du tout», répond le haut fonctionnaire. «Votre année de naissance est 1955 !» relève le président de la commission d’enquête, déclenchant des rires dans la salle. «C’est une coïncidence», rétorque Appadu, qui ne semble pas convaincre le juge Caunhye.

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