Des passants portent des masques respiratoires pour éviter la contamination par le coronavirus chinois, samedi 25 janvier à Tokyo au Japon. (Photo : CHARLY TRIBALLEAU/AFP)

Commençons par rappeler que toute personne malade a doit à notre compassion. Personne n’est à l’abri d’une maladie. Quelle que soit l’identité du malade, il faut tout faire pour le soigner. Dire que le coronavirus est une malédiction divine, ou ne l’est pas, revient à s’exprimer à la place de Dieu. Par contre nous avons la responsabilité, devant Dieu, de tout faire pour nous protéger et protéger les autres de toute contamination.

Il est rapporté que le deuxième calife Omar se dirigeait vers une région de la Syrie, lorsqu’il fut informé d’une épidémie qui y sévissait. Que faire ? Il consulta ses compagnons qui avaient diverses opinions et décida de rebrousser chemin. Abû Ubayda lui lança : «Fuis-tu le destin écrit par Dieu ?» Omar répliqua : «Oui, nous fuyons le destin écrit par Dieu pour partir vers le destin écrit par Dieu…» Ce discernement d’Omar nous démontre bien que la raison et la foi ne s’opposent pas en islam. D’ailleurs, Abdûr Rahman bin Auf rejoignit peu après Omar et lui rapporta cette parole qu’il avait entendue du Messager de Dieu (paix soit sur lui) : «Si une épidémie se déclare dans le pays où vous êtes, n’en sortez pas pour la fuir, et si vous entendez qu’elle s’est déclarée dans un pays, ne vous y rendez pas.»

La narration précédente est riche en enseignements. D’abord, elle montre comment la foi illumine la raison à l’instar du discernement dont fit preuve Omar. Ensuite, elle doit nous rassurer aujourd’hui quant à la nécessité d’empêcher le mouvement vers et hors des régions affectées par une épidémie. Il est aussi rapporté ces paroles du Messager de Dieu (paix soit sur lui) : «La peste était une punition que Dieu infligeait à ceux qu’Il voulait, mais pour les croyants c’est miséricorde… Celui qui fuit la peste est tout comme un déserteur. Et quiconque patiente dans la peste aura la récompense d’un martyr.» A l’époque, il n’y avait pas d’hôpitaux et les soins n’avaient rien de comparable à ce que nous bénéficions aujourd’hui : l’ordre de ne pas quitter un lieu infecté est preuve de la valeur que l’islam accorde à la vie. La mention du statut de martyr, soulignons-le, ne signifie pas que la personne ne s’active pas à empêcher et à résister à la maladie. Il est appelé martyr alors qu’il est vivant et fait tout pour le demeurer, sans mettre en danger autrui.

Panique

La panique s’installe lorsque nous tombons dans l’irrationnel et nous nous laissons gagner par la peur. Certes, l’économie prend un sérieux coup quand nous voyons les compagnies aériennes suspendre leurs vols, certains pour une durée indéterminée qui peut aller jusqu’à plusieurs mois. Les bourses s’affolent, poussant d’autres à craindre un ralentissement de la croissance non seulement en Asie, mais dans le monde entier. Quand nous devenons ainsi obnubilés par l’argent, il y a lieu sans doute de parler de…malédiction. Malheur vraiment à ceux qui face à une menace réelle sur nous tous ne perçoivent le danger qu’en termes d’un manque à gagner financier. Si nous ajoutons à cela un sentiment xénophobe vis-à-vis d’une race et de sa culture qui nous serait inférieure, nous avons de qui avoir honte de notre réaction si malheureuse.

L’islam nous interdit catégoriquement toute forme de racisme. Même vis-à-vis de ces dirigeants chinois qui ont enfermé un million d’Ouighours, nous avons un devoir de solidarité lorsqu’ils s’engagent à sauver d’innocents hommes, femmes et enfants. Ils avaient utilisé le terme «virus» en se référant à l’islam ou à l’islamisme pour justifier l’internement d’innocents Ouighours qui avaient besoin d’une «quarantaine» pour se rééduquer. Nous ne savons pas si ces dirigeants, eux, subissent une malédiction divine, mais nous n’avons pas le droit de nous réjouir du malheur d’autres innocents.

Rappelons-nous du sort des Rohingyas, des Kashmiris, des Palestiniens et d’autres également accusés d’être atteints du même «virus». Ceux qui ont le pouvoir les privent de liberté, les accusent de terrorisme, doutent de leur patriotisme, voire de leur identité. Cette stigmatisation ne peut être possible qu’avec la complicité, silencieuse ou active, d’autres gouvernements et des puissants de ce monde. Soyons en quête de justice, et non de vengeance.

Ne nous trompons pas d’ennemis car ce sont les innocents qui souffrent et à ceux-là, accordons toute notre compassion.

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