Personnages

Le diable ( D )

Celui qui est tenté par le diable ( C )

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C : Mais dites-moi, comment expliquez-vous ce phénomène ?

D : Lequel mon ami ? Mon génie pour le Mal ? Mon sens de l’humour ravageur ? Mon charme ? Mon élégance ? La mue de l’œuf en bœuf ? Qu’est-ce donc, mon ami ?

C : Non, je vous parle de cette fascination pour le pouvoir.

D : La question est plus qu’intéressante. Et j’ai plusieurs théories à ce propos. Je suis, à mes heures perdues, un théoricien de l’âme humaine. Je vous vois fort surpris, mon ami.

C : Pas du tout. Je suis tout simplement émerveillé.

D : Je sais, je sais, je suscite depuis toujours l’émerveillement. Mais vous vous attendiez à quoi ? À rencontrer
un être, pardon, un diable grossier, stupide et vulgaire ?

C : Absolument pas, monsieur le Diable. Je sais que votre intelligence est redoutable.

D : Merci l’ami. J’ai connu, comme vous le savez, une enfance difficile et je suis très susceptible. Je suis l’objet de nombreuses critiques, souvent féroces. On me reproche beaucoup de choses. On croit que je suis partout et nulle part. Que je suis à l’origine de tous les maux de la terre. Accusations grotesques et mensongères. Je me dis parfois qu’il n’y a que les serpents qui m’aiment et me respectent. Mais passons. On ne va pas psychanalyser l’âme du diable. Nous sommes en vacances et il faut s’amuser.

C : Vous pouvez, si vous le souhaitez, parler de votre mal-être. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, monsieur le Diable.

D : Je vous remercie mais on risque d’y passer quelques millions d’années. Mais on dira pour faire bref que je suis un peu comédien. Je joue à celui qui est heureux. Et je le suis, dans une grande mesure, Mais mes blessures sont nombreuses. Il n’est guère facile d’être un ange déchu. Je suis las de devoir toujours me battre. Je suis enchaîné à un destin tragique. Mais que voulez-vous ? C’est la vie. On n’y peut rien. Vous ai-je dit que je suis en train d’écrire un livre ? Le diable au risque de la psychanalyse. Mais je n’ose trop le publier. Je suis plutôt pudique, je ne veux pas mettre mon âme à nu. Mais revenons à votre question. Je parle trop de moi. Et je suis maintenant tout ému. Revenons à la question. Pourquoi donc cette fascination pour le pouvoir ?

C : En effet. Et quelle est la réponse ?

D : Je vais vous dire une chose qui risque de vous surprendre. Nombreux sont ceux qui aiment le diable mais ils ne le savent pas.

C : Je ne vous comprends pas. Comment peut-on aimer le diable et ne pas savoir qu’on l’aime ?

D : Ils m’aiment parce que j’incarne ce qu’il y a de pire en eux. Ils vous aimeront pour les mêmes raisons. L’homme de pouvoir exerce une séduction sur les masses non seulement parce qu’il parvient à les manipuler mais parce qu’ils se retrouvent en lui. On vous aimera, on aimera le diable en vous parce que vous êtes le corps incarné de leurs pulsions les plus sombres, les plus obscures.

C : Tout ça est fort étrange, vous en conviendrez. La malhonnêteté, si j’ai bien compris, me rendra populaire. Ne devrait-il pas avoir l’effet contraire ?

D : Ne vous ai-je pas dit que vous êtes naïf ? Il y a un désir de soumission en tout être, se soumettre à l’homme fort, l’homme de pouvoir, se soumettre aussi à ses instincts les plus primaires, ceux de l’animal, de la bête.

C : On me vénérera donc ?

D : Oui, mon ami, n’ayez aucun doute à ce sujet.

C : La proposition est alléchante. J’avoue que je suis tenté.

D : Cédez à la tentation mon ami. Regardez ce magnifique soleil. Nous en sommes en vacances. Il faut en profiter. Et en finir avec votre petite vie sordide. Je vous offre la gloire, le pouvoir, l’argent, la réussite, les femmes. Qu’est-ce qu’un homme peut désirer de plus ?

C : Je rêve de cette vie, monsieur le Diable. J’en rêve depuis toujours.

D : Etes-vous prêt à vendre votre âme ?

C : Oui, je le suis. Vous m’avez convaincu.

D : Il me reste une dernière chose à vous dire. J’ai beau être le diable mais je suis d’une honnêteté irréprochable à l’égard de mes clients.

C : Je vous écoute Monsieur le Diable.

D : Vous vous retrouverez après la mort en Enfer durant un certain temps.

C : Et c’est comment l’Enfer ?

D : C’est loin d’être parfait mais on a vu pire. Vous aurez l’occasion de me parler tous les jours et on peut considérer qu’il n’y a rien plus agréable. Et vous irez éventuellement au paradis.

C : Mais c’est merveilleux, monsieur le Diable.

D : Etes-vous prêt ?

C : Oui, je le suis.

D : Je vous prie de signer le contrat.

C : C’est fait.

D : Et je subtilise votre âme, elle sort lentement de votre corps. Elle m’appartient désormais. Vous êtes un autre homme, un nouvel homme. Réjouissez-vous mon ami, réjouissez-vous. C’est le temps du bonheur !

C : Mais, dites-moi, j’ai oublié de vous demander, qu’entendez-vous par un certain temps en enfer ?

D : Des millions d’années mon ami. Vous demeurerez des millions d’années en enfer.

C : Vous m’avez piégé !

D : Et là je me mets à éclater de rire comme les personnages de diable dans les films. J’aime bien les imiter. Non j’adore les imiter ! Et je fais Hahahahahihihihihahahahahihi et je suis le personnage de diable. Et je fais peur à tout le monde. Hahahahahhihihihihhahaha ! Que c’est bon ! Vive les vacances ! Suis-je bon comédien ?

C : …….

D : Je suis un grand comédien. Je mérite un Oscar. Hahahahihihihihi ! Et vive les vacances !

– Fin –

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