La coïncidence est troublante. En début d’après-midi d’hier, Paul Bérenger annonce une « cooling off period » entre les partenaires du Remake 2000. Quelques heures plus tard, Navin Ramgoolam demande l’ajournement des travaux parlementaires pendant un mois afin de disposer du « temps adéquat » pour faire avancer les discussions sur la réforme électorale. Depuis ces annonces, la machine à spéculer tourne à plein régime. Six clés de lecture politiques sont utiles pour comprendre la suite des événements …

« L’exaspération » sur le procès Medpoint est feinte. Pravind Jugnauth a servi un prétexte idéal à Paul Bérenger pour décréter une « cooling off period ». S’il est parfaitement acceptable – sur le plan juridique – de s’appuyer sur un point de procédure pour demander l’annulation d’un procès, c’est le délai que la justice prendra pour trancher la question que Bérenger trouve inadmissible. La stratégie de défense de Pravind Jugnauth est, du coup, érigée en point de discorde politique ! Étrange revirement, quand on sait que le leader du MMM n’a pas décrit la durée du procès Medpoint comme un macadam majeur dans la bonne marche du Remake.

Le MSM a travaillé sur un plan B. Sir Anerood Jugnauth est connu pour son réalisme politique. Si Pravind Jugnauth n’a pas hérité de ce trait de son père, d’autres dirigeants du parti soleil l’ont acquis au contact de SAJ. C’est ce qui a conduit l’un d’entre eux à tenter un raccommodement avec les travaillistes. Mauvaise stratégie… quand on sait que les plus hauts échelons rouges et mauves sont en « speaking terms » depuis des semaines. Des confidences ont donc été échangées entre les nouveaux amis, nourrissant au passage l’exaspération de Bérenger, voire son envie d’en finir avec le MSM.

 Ce 1er mai pourrait être spécial. Il est quasiment certain que le bureau politique du MMM de cet après-midi décidera de l’annulation du meeting du 1er mai du Remake prévu à Port-Louis. Un meeting en solo du MMM pourrait également ne pas être à l’agenda. Pour asseoir l’esprit de conciliation ambiante et éviter une guerre des foules inutile dans les circonstances actuelles, les travaillistes pourraient également annuler leur rassemblement du 1er mai à Vacoas.

Le Consultation Paper est l’enfant naturel de Ramgoolam et Bérenger. Fini le temps où le leader du MMM se plaisait à affirmer que le document de Ramgoolam sera « un flop ». Si les deux hommes sont désormais d’accord « sur presque tout », c’est parce que le chef de l’opposition a été régulièrement tenu au courant du contenu du Consultation paper et a pu faire état de ses observations et commentaires… à nul autre que le Premier ministre lui-même. Bien avant que le document ne soit rendu public.

Ni Ramgoolam ni Bérenger ne négocie en position de faiblesse. Officiellement, le leader de l’opposition insiste sur le fait que ses discussions avec le Premier ministre porteront uniquement sur la réforme électorale. Mais comme en août 2012, ce sont des considérations éminemment personnelles qui feront que l’accord entre le MMM et le PTr sur la réforme électorale sera réalisé ou pas. Ramgoolam ferait, en effet, un cadeau à Bérenger s’ils concrétisent ensemble le vote à la proportionnelle sans que celui-ci ne soit subordonné à d’autres arrangements politiques et institutionnels. S’il y a deux ans, certaines conditions de chaque côté de la table de négociation étaient jugées trop exorbitantes, donc inacceptables, elles pourraient être devenues réalisables et souhaitables aujourd’hui.

Il n’y aura pas de big bang à la reprise des travaux parlementaires. La conclusion pourrait être logique : Navin Ramgoolam proposera un projet de réforme électorale très rapidement après la reprise parlementaire du 13 mai. En fait, il y a très peu de chances que cela se produise. D’abord, parce que le package en négociation entre Bérenger et lui est complexe et nécessite quelques rounds de négociations supplémentaires qui ne pourront pas être bouclées en un mois. Ensuite, la réforme électorale et institutionnelle complexe en gestation pourrait nécessiter une légitimation électorale avant d’être débattue et votée par une nouvelle législature.

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