On ne cesse de vanter l’électorat de la circonscription. Ceux qui votent à Belle-Rose/Quatre-Bornes seraient «éclairés». Leur opinion ayant, dit-on, la fonction de «baromètre» politique du pays. Au-delà des formules autocongratulatoires, essayons de comprendre comment vote cet électorat. Certes, cela ne servira pas à prédire l’issue de la partielle que Roshi Bhadain déclenchera – les analyses statistiques traditionnelles ont montré leurs limites en 2014. Mais nous disposerons au moins de clés de lecture autres que le «mwa, mo pe trouve ki…» que sortent les experts à chaque coin de rue.

Si les résultats passés permettent de saisir le «voting pattern» de la circonscription au fil des 11 législatives depuis 1967, l’analyse qui en découle a ses limites. D’une part parce qu’elle ne permet pas d’extrapoler ce qui se produira lors de cette partielle. C’est, en effet, la première fois que les votants de la circonscription sont appelés à s’exprimer dans ce type de contexte électoral. D’autre part, le no 18 a connu des mutations démographiques – flux et reflux de certaines composantes sociales et ethniques. Mais aussi technologiques : nous sommes dans l’ère de la communication politique 3.0. Caractérisée par des réseaux sociaux qui complémentent, voire surpassent en efficacité le porte-à-porte et les réunions traditionnelles. Cette nuance effectuée, analysons le 18 !

C’est une circonscription «témoin». Depuis 1967, les votants de ce coin de l’île ont eu un flair certain. A coup de 3-0 ou de 2-1, ils ont systématiquement élu les candidats de l’alliance qui a gagné les élections générales. La seule exception notable est la législative de 1967 lors de laquelle la majorité absolue des votants de la circonscription ont préféré faire confiance au PMSD. Après ce couac de départ, le numéro 18 a majoritairement et systématiquement voté en faveur du camp des vainqueurs. Le symbole le plus populaire à Belle-Rose/Quatre Bornes n’est ainsi ni la clé, ni le cœur, ni soleil, ni le coq. Mais l’Hôtel du gouvernement.

Le vote y est mesuré. C’est en décembre 1995 que la circonscription a permis, pour la seule fois, à un candidat de réaliser un score de dictateur. Avec 73% des suffrages, le travailliste Dan Bhima a réalisé au no 18 un score comparable à celui d’Arvin Boolell (75% à Vieux Grand Port/Rose-Belle) ou Paul Bérenger (72% à Stanley/Rose-Hill). A part cette poussée de fièvre, les électeurs de cette région ont plus ou moins aidé les candidats victorieux à réaliser des scores assez proches de la moyenne nationale de leur alliance.

On y vote «bloc» mais… Les habitants de la circonscription ne dérogent pas à la règle. Dans l’isoloir, ils ont la propension à mettre leurs croix à côté de trois symboles similaires. Ainsi sur les 11 législatives depuis 1967, les électeurs y ont voté «bloc» à 8 reprises. Toutefois, si la discipline est respectée assidûment ailleurs, l’écart entre les gagnants et les perdants à Belle-Rose/Quatre-Bornes est parfois infime. A l’exception des contextes de 60-0 ou de quasi razzia, la différence de suffrages entre le 3e candidat élu et le 4e a le plus souvent été dans la fourchette de 3 à 4 points. En 1976 et 1983, Sheila Bappoo et Paul Bérenger ont fini 4e avec respectivement 55 et 32 votes d’écart avec le 3e élu de la circonscription.

Match nul MSM-PTr. Sur les 11 dernières législatives, les rouges ont fait partie de l’équipe gagnante en 6 occasions. C’est exactement le score réalisé par le MSM également. Si le PTr avait participé aux législatives de 1967, 1976 et 1982, ce n’est qu’en 1983 que sir Anerood Jugnauth fonda son parti. Au comparatif des pires scores, le MSM gagne toutefois la partie. Ainsi, le 60-0 de 1995 n’avait permis au dernier candidat MSM de la circonscription de ne recueillir que 18% des suffrages. Hormis sa première participation aux législatives de 1976 avec un score de 29,5% pour son troisième candidat, le MMM n’est jamais descendu en dessous de la barre de 43% des suffrages au numéro 18. Les rouges ne peuvent pas en dire de même avec des contreperformances à 25% en 1982 ou encore 32% en 2000.

Et les «petits» partis ? Les électeurs du 18 ont beau être «éclairés», au fil des législatives, ils n’ont que très rarement accordé plus de 1% ou 2% de leurs suffrages à des candidats indépendants, issus de nouvelles formations ou encore des partis non mainstream. En 2014, Kugan Parapen de Rezistans ek Alternativ a réussi un score jamais égalé de 6,4% de suffrages recueillis. Roshni Mooneeram, chef de file du défunt Ensam, termina la course avec un score honorable de 4,1%. Francis Jolicoeur de Lalit, a lui, été l’unique candidat à avoir franchi le cap de 3% en 2000.

Difficile de tirer une conclusion de cette série de faits. Car l’histoire des partielles depuis l’indépendance est, elle-même, bien particulière. A la suite de décès, de démissions par honneur, de condamnations, où à coup de «si to demisione mo demisione», le pays a connu 8 partielles depuis 1970. Le MMM, tout juste créé à l’époque, avait réussi l’exploit de battre, avec plus de 5 000 votes d’écart, le candidat du PTr à l’époque. Depuis, le score des partielles penche légèrement en faveur des gouvernements en place. 5 victoires pour le candidat soutenu par le gouvernement du jour (1989 – Cyril Curé ; 1992 – Amanullah Essoof ; 1998 – Satish Faugoo ; 1999 – Xavier Duval ; 2009-Pravind Jugnauth) et 3 victoires pour l’opposition (1970 – Dev Virahsawmy ; 1995 – Paul Bérenger/James Burty David ; 2003 – Rajesh Jeetah).

Les partielles remportées par le pouvoir en place n’ont pas nécessairement assuré leur victoire subséquente aux législatives. Toutefois, les partis d’opposition ayant remporté les partielles se sont tous retrouvés avec une majorité – même relative – au Parlement à l’échéance électorale suivante. Est-ce cela la principale conclusion ? Le gouvernement doit gagner lors de la prochaine partielle mais ce ne sera pas le gage d’un succès à venir pour le Premier ministre. Une défaite au 18, pourrait, elle précipiter une chaîne d’évènements dont Pravind Jugnauth et son gouvernement ne ressortiront pas indemnes.

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