Maintenant que la Cour internationale de justice a livré son avis consultatif sur les Chagos, quelle est la marche à suivre ? Maurice dit privilégier le dialogue avec le Royaume-Uni. Tandis que les Britanniques maintiennent que ce dossier relève fondamentalement d’une «dispute bilatérale». Au cœur de cette question : l’île de Diego Garcia, siège d’une base militaire américaine depuis le début des années 1970. Si pour Port-Louis, celle-ci n’est pas remise en cause, les formations politiques Lalit et Rezistans ek Alternativ ne sont pas du même avis.

«Il faut éviter tout ‘ego trip’ dans nos démarches» sur le dossier Chagos, a déclaré Vishnu Lutchmeenaraidoo. Le chef de la diplomatie dit prôner le dialogue et la diplomatie tout en réaffirmant que Londres et Washington sont les alliés de Port-Louis. S’alignant sur la position du Premier ministre Pravind Jugnauth. Le chemin risque cependant d’être long avant que l’archipel soit restitué, a noté le ministre des Affaires étrangères lors d’une session de travail avec des cadres diplomatiques et administratifs, le mercredi 27 février.

La Cour internationale de justice a statué en faveur de Maurice, deux jours plus tôt. Statuant que l’excision des Chagos en 1965 du territoire de Maurice était «illégale» et que les îles doivent être rendues «dans les plus brefs délais».

Quid de Diego Garcia ? Maurice l’a précisé à l’Assemblée générale des Nations unies. Port-Louis ne conteste pas la base militaire. Pravind Jugnauth l’a d’ailleurs répété lundi soir, lors d’un entretien accordé à la BBC.

Du côté des Britanniques, on insiste que les Chagos sont essentiels pour assurer la sécurité des Britanniques et du monde. Tout en réitérant, comme lors des auditions orales à la CIJ, que le recours à la CIJ est un «abus de pouvoir» et que la question des Chagos relève d’une «dispute bilatérale» [suite de l’article plus bas].

L’échange entre le junior minister au Foreign Office britannique, sir Alan Duncan, et la shadow minister du Labour Party, Helen Goodman, à la House of Commons, suivant l’avis consultatif de la Cour internationale de justice, le mardi 26 février 2019.

A Maurice, le chef des mauves Paul Bérenger soutient que la question de Diego Garcia est «autre». Mais pour les partis de gauche Lalit et Rezistans ek Alternativ, il n’y a aucun doute. Il faut démilitariser l’archipel des Chagos.

Port-Louis doit «se méfier de sa stratégie d’essayer de se faire de l’argent en louant Diego Garcia aux Etats-Unis, au lieu de réclamer le démantèlement de la base militaire», déclare Lalit dans un communiqué. Cela afin de respecter le Traité de Pelindaba qui institue une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique et dont Maurice est signataire. Lalit souligne, par ailleurs, que Maurice doit continuer à travailler étroitement avec les «forces anticoloniales, en particulier l’Union africaine», grand soutien dans ce combat.

Rezistans ek Alternativ a une position similaire. «Ils se préparent à détacher et céder de nouveau Chagos : ils se préparent à marchander la souveraineté des Chagos et la base militaire de Diego Garcia», s’est offusqué Ashok Subron du parti au papillon. Or, Maurice n’en a pas le droit sans que le peuple se soit exprimé, fait-il remarquer en citant l’avis consultatif de la CIJ sur l’autodétermination. Le membre de ReA réclame ainsi un référendum national.

Port-Louis devrait ainsi démarrer une campagne internationale afin de «remettre sur les rails» la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies faisant de l’océan Indien une zone de paix. C’est ce qui ouvrira la voie à ce que Chagossiens et Mauriciens puissent se rendre sur n’importe quelle île de l’archipel des Chagos, assure Subron, tout en assurant la paix et une «vraie souveraineté» de Maurice.

Chagos : Des propositions en vue d’une administration retrouvée

Le gouvernement doit prendre des mesures pour administrer les Chagos «en pratique», estime Lalit. Le parti de gauche suggère d’organiser une visite d’Etat en affrétant un navire. Avec, à son bord, des journalistes mauriciens et étrangers, une délégation de Chagossiens, ainsi que des membres du gouvernement et de l’opposition.

Autre proposition : celle d’acquérir un navire de pêche qui opérera dans les eaux mauriciennes autour de l’archipel. Et d’y organiser la prospection de pétrole. Ces deux points sont «applicables» suivant le jugement du Tribunal de la mer, en 2015, sur le parc marin, selon Lalit.

Les Chagos devraient enfin être considérées comme la 22circonscription de la république et avoir un représentant à l’Assemblée nationale.

Facebook Comments