Il est un peu plus de 11h07. Aucun parlementaire n’est encore à sa place. Un auxiliaire est d’ailleurs à disposer les copies de la Private Notice Question du jour sur les pupitres de chacun. Cinq minutes plus tard, Ravi Rutnah se pointe. De bonne humeur, il fredonne un air d’un film bollywoodien des années 1970. Il dépose ses affaires, consulte quelques feuilles et sort de nouveau.

Au tour de Roubina Jadoo-Jaunbocus de faire son entrée quelques minutes plus tard. La ministre de l’Egalité des genres ne s’attarde pas, juste le temps de se débarrasser de son sac à main, de sa veste et de ses nombreux documents. Elle aussi quitte l’hémicycle.

En pleine conversation, Ivan Collendavelloo, le Chief Whip Bobby Hurreeram et Raj Dayal arrivent en même temps. Le Chief Whip salue, comme à son habitude, la galerie de la presse. Sanjeev Teeluckdharry fait quelques pas dans la Chambre. Collendavelloo prend de ses nouvelles et regagne sa place. Nando Bodha, arrivé entre-temps, l’interpelle : «Deputy Prime minister!» Ce dernier rejoint alors le ministre des Infrastructures publiques.

Bodha s’entretient quelques instants avec lui. Collendavelloo l’écoute avec attention, nettoyant méticuleusement ses lunettes, faisant de temps en temps une remarque que le ministre prend soin de noter.

L’hémicycle se remplit peu à peu. Contrairement aux semaines précédentes, Alain Wong est là avant l’hymne national joué en début de séance. Pradeep Roopun a les bras chargés d’enveloppes, qu’il dépose à sa place avant de se rendre à la rangée suivante, aux côtés de Collendavelloo qui a entre-temps regagné le front bench. «Ki bon news ?» veut savoir le DPM. Fazila Jeewa-Daureeawoo tout sourire, Ashit Gungah, Eddy Boissézon et Yogida Sawmynaden, en pleine conversation au téléphone, prennent place.

Le garde du corps de sir Anerood Jugnauth (SAJ) précède le ministre mentor. Il porte de nombreux dossiers, une série d’interpellations parlementaires sont adressées au ministre de la Défense, notamment concernant la police et la drogue. SAJ salue Collendavelloo et, avec le sourire, la Vice Prime minister. Mais il est pris d’une quinte de toux lorsqu’il s’assied. Jeewa-Daureeawoo lui donne un bonbon, fait passe la boîte à Collendavelloo qui se sert. Pravind Jugnauth, assis à sa place, n’en veut pas.

Le Premier ministre est concentré dans ses dossiers. Soulignant quelque chose ici. Ne portant pas pas attention à ses voisins. La Private Notice Question (PNQ), sur les consommateurs de cannabis, lui est adressée. Xavier Duval arrive, agenda et tablette en main. SAJ est, lui aussi, plongé dans ses documents.

La cloche retentit, Malini Sewocksingh, Patrice Armance et Aurore Perraud regagnent leurs places sans se presser. Shakeel Mohamed arrive juste derrière la Speaker Maya Hanoomanjee, le ministre Mahen Seeruttun se hâte. Arvin Boolell aussi est en retard, il s’assoit alors que le leader de l’opposition donne lecture de sa PNQ.

Le Premier ministre est en pleine lecture de sa réponse écrite, sous l’œil attentif de Duval père et fils. Sewocksingh, de l’autre côté des travées, n’est pas encore bien installée. Elle farfouille dans son sac, se penche pour brancher son téléphone. Nando Bodha ferme les yeux. Yogida Sawmynaden tente de rester attentif, mais il ferme les yeux aussi. Il se reprend alors que Jugnauth arrive à la fin de sa réponse, jouant avec ses bagues. Bodha semble se réveiller quand un auxiliaire vient lui remettre une enveloppe. Adrien Duval prend des notes, qu’il fait passer au leader de l’opposition.

Duval veut savoir s’il y a eu des études dans le cadre du National Drug Control Master Plan, si des statistiques sont disponibles, et si ceux-ci seront rendus publics. En face, Jugnauth assure que le public aura les informations. Peu satisfait de cette réponse, le leader du PMSD rétorque : «Je comprends donc qu’il n’y a pas eu d’études», qui laisse Collendavelloo perplexe.

Le Premier ministre semble frustré par l’attitude de Duval. Les chiffres ont été fournis par les experts, la police, dans le cadre des consultations. «Vous ne comprenez pas», lance-t-il au leader de l’opposition. «Vous n’êtes pas sérieux, vous ne savez donc pas comment ça marche ?» Mahen Jhugroo intervient : «Les li koze.»

Duval ne se laisse pas démonter. Raillant même Jugnauth : «Peut-être n’avez-vous pas pratiqué [le droit] depuis un moment.» Jugnauth a aussi de la répartie : «To pli avoka ki avoka!»

Le Premier ministre affirme que l’Organisation mondiale de la santé n’a émis aucune recommandation quant à la dépénalisation du cannabis et au cannabis thérapeutique. Duval veut lui prouver le contraire et remet des documents qui, il l’espère, seront remis au «fameux expert». Mais il se trompe dans ses papiers et rappelle l’auxiliaire de l’Assemblée nationale. Malini Sewocksingh et Adrien Duval s’en amusent.

Jugnauth maintient : il n’a vu aucun document en ce sens. Du reste, poursuit-il, le leader de l’opposition fait référence au cannabis alors qu’il est question de «cannabidiol» à des fins thérapeutiques. Le leader de l’opposition s’offusque de la confusion, rappelant l’intitulé de sa question. Duval se lève pour s’expliquer, Jugnauth lui rappelle : «I am on my feet!» Mahen Jhugroo fait entendre sa désapprobation, Pradeep Roopun aussi, lui qui est d’habitude plus calme.

«Order! Order!» L’injonction ne vient pas de la Speaker mais de Malini Sewocksingh. «Kalme!» suggère Adrien Duval aux travées de la majorité d’où la grogne se fait toujours entendre.

C’est presque la fin du temps accordé à la PNQ. Duval parle de «nombreux pays», soit 41, où le cannabis thérapeutique est utilisé. Ils ne sont pas «nombreux», le corrige le Premier ministre, il y en a «certains».

Durant ces échanges, c’est le calme du côté des parlementaires mauves sont restés calmes. Le MMM ouvre la série de questions adressées au Premier ministre. La première se déroule relativement sans heurts. La dernière question supplémentaire, signée Arvin Boolell, fait toutefois sourciller. Les «injustices» que le gouvernement voulait corriger avec les nouveaux règlements autour des permis ne concernaient-elles pas des «proches» de ceux au pouvoir ? Jugnauth s’en défend, il n’est aucunement question de famille ou non.

Aadil Ameer Meea enchaîne sur les travaux d’extension à l’aéroport SSR. Bérenger a le nez plongé dans la liste des questions à l’ordre du jour, certaines sont surlignées. Bhagwan tente d’orienter le débat sur le «fameux Gooljaury», mais se fait vite reprendre par Maya Hanoomanjee, qui rappelle qu’on ne mentionne pas les gens par leurs noms. «Mais c’est un nom fameux», se défend, pince-sans-rire, le député de Beau-Bassin/Petite-Rivière. Bérenger s’esclaffe, et il n’est pas le seul : Jhugroo, Sesungkur, Roopun rigolent aussi.

Bhagwan cherche l’assurance qu’on ne remettra pas à Gooljaury, «par avance», des documents pour qu’il puisse se préparer pour l’allocation des contrats. La Speaker refuse sa question. Bhagwan lance aux travées de la maorité : «Donn li later!» Mahen Jhugroo contre-attaque : «Bandi twa!» Bhagwan poursuit sur sa lancée, il est toujours tombée : «Kokin avan, kokin apre.» Hanoomanjee le rappelle à l’ordre plusieurs fois, il finit par s’y soumettre.

Le député travailliste Boolell s’inquiète des inconvénients que des travaux causent aux riverains de la rue Berthaud, à Quatre-Bornes. «Pa fer sa pou lari Vandermeesch, in! ironise alors Bhagwan. Rod lamerdman!» Arvin Boolell s’étonne du temps que prennent ces travaux, démarrés sous le régime travaillsite, dit-il. Pravind Jugnauth le corrige illico : «Il ne faut pas prendre la paternité de notre bébé.» Ce qui fait rire les ministres Jadoo-Jaunbocus, Boissézon, Bodha, Sawmynaden et Leela Devi Dookun-Luchoomun. Boolell n’est pas d’accord.

On passe à la question suivante, toujours à l’initiative du député rouge de Belle-Rose/Quatre-Bornes. Le Fonds monétaire international a critiqué le «cosiness» de la Banque de Maurice avec le gouvernement. Le rapport a d’ailleurs été «sanitised» avant soumission. SAJ ne cache pas sa surprise. Pravind Jugnauth non plus, qui prend ombrage de ces «accusations». D’autant que, comme lui, Boolell a été aux Finances, il sait comment cela marche, le processus de consultations, les remarques que soumet le gouvernement à la suite du draft report, et qui ne peut pas influer sur le rapport final. «I’m coming back», assure Boolell, face à un Jhugroo étonné. «Revenir ? Quand ?» ironise le député de Mahébourg/Plaine-Magnien.

Au tour de Nando Bodha. Osman Mahomed s’étonne que la Road Safety Academy, annoncée depuis deux ans, ne soit toujours pas sur pied alors que le nombre de morts sur nos routes a atteint un «record». Bhagwan lance à Bodha : «Mo krwar to bizin al ouver enn biro dey.» L’éducation est la clé, estime Bodha, car il faut changer les mentalités. Cela prendra donc du temps. «Pou eleksion to pa ti dir pou ‘take time’?» lance Shakeel Mohamed. Lui qui ne s’était jusque-là pas fait entendre, occupé soit sur son ordinateur portable, soit avec des appels.

Son camarade de parti Osman Mahomed s’impatiente, pour sa part, que le projet de Victoria Urban Terminal tarde à démarrer. Le ministre Bodha ne se gêne pas pour lui rappeler l’envergure du projet, aux multiples aspects, comparé à «la ligne ferroviaire» envisagée sous les travaillistes. Les tap-latab se font entendre. Jhugroo feint la surprise : «Gagn sok! Goal!»

C’est déjà l’heure de la pause-déjeuner. Arvin Boolell a l’air froissé. Il quitte la Chambre en s’entretenant avec Sewocksingh et Adrien Duval. Raffick Sorefan, en sortant, serre la main de Bodha, détendu et souriant. Sinatambou et Wong font la causette en sortant. Bobby Hurreeram et Dan Baboo sont les derniers dans la salle, prenant des nouvelles de la clerc de l’Assemblée nationale.

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