Une bonne quinzaine de minutes avant le début de la séance parlementaire, les élus les plus ponctuels sont déjà là. Paul Bérenger arrive, lui, à peine 5 minutes avant que les travaux ne commencent, en même temps que sir Anerood Jugnauth.

Il est suivi quelques secondes plus tard par Nando Bodha, visiblement de bonne humeur. Il salue sir Bhinod Bacha et dit aussi bonjour de loin à Roshan Seetohul. Le trésorier du PMSD assiste à toutes les séances parlementaires en compagnie de Mahmad Kodabaccus. Mais en raison de son retrait politique, l’ancien secrétaire général du parti est absent. Son adjoint Manish Cushmagee est, lui, fidèle à son rendez-vous hebdomadaire.

A peine quelques instants avant que la sonnerie ne retentisse, les députés du PMSD font leur entrée collectivement. Absents la semaine dernière en solidarité avec leur leader expulsé, ils sont tous là, à l’exception de Dan Baboo qui est en déplacement à l’étranger. S’ils gagnent tous leurs places tranquillement, seul Salim Abbas Mamode va saluer des membres du gouvernement. L’élu bleu de Port-Louis Maritime/Est serre la main du ministre Prem Koonjoo puis prend des nouvelles de Nando Bodha et de Yogida Sawmynaden.

Entre-temps, la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo est arrivée. Très appliquée, elle consulte méthodiquement ses notes avant la Private Notice Question de Xavier Duval. La ministre de l’Egalité des genres cache mal son stress. Elle feuillette nerveusement ses pages pendant que ses voisins Prem Koonjoo et Alain Wong l’aident à mettre de l’ordre dans ses dossiers.

La ministre déroule toutefois sa réponse sans anicroche. Mais dès la première question supplémentaire du leader de l’opposition, l’élue du MSM s’emmêle les pinceaux. Et demande la permission au leader de l’opposition d’élaborer un point. La remarque déclenche des rires dans l’opposition et une certaine gêne dans les rangs de la majorité. Ce qui conduit la Speaker à intervenir. C’est à elle qu’il faut demander la permission dans ses cas, recadre Maya Hanoomanjee. «Ok, also with the leader of the opposition’s permission», plaisante la ministre.

Avant de déclamer un couplet de gentillesses à l’égard de son leader, Fazila Jeewa-Daureewoo évoque le comportement inacceptable de certains politiques à l’égard des femmes. Le commentaire est accueilli par une salve de tap latab dans les travées de la majorité. Showkutally Soodhun ne s’étant pas joint à ses camarades est immédiatement repéré par les membres de l’opposition qui le tancent. En lui demandant pourquoi il n’applaudit pas. Après avoir raillé le Vice Prime minister, c’est sur Ravi Rutnah qu’ils se rabattent.

Entre-temps, les réponses de la ministre déplaisent fortement à son prédécesseur, Aurore Perraud. L’élue bleu le fait savoir, Jeewa-Daureewoo s’en agace. Prise de court par les questions de Duval, elle botte en touche. «Pa kone? Shame on you!» balance Duval.

Piquée au vif par la remarque du leader de l’opposition, le ministre proteste auprès de la Speaker. Qui demande illico à Duval de retirer ses propos. Ce qu’il fait à contrecœur tout en persistant à dire que la performance de la ministre laisse à désirer.

Duval revient à la charge. Mais cette fois-ci, la ministre lui rappelle qu’elle est en poste depuis début 2017 et qu’une autre ministre avait la responsabilité de gérer la situation auparavant. Le mécontentement de Perraud est sonore. «Tou seki to pe dir, mwa ki’nn fer», corrige la député bleue en évoquant les initiatives énumérées par son successeur.

«Time is over.» Maya Hanoomanjee sonne la fin de la PNQ face à un Xavier Duval pris de court. «Madam, one last question», plaide-t-il. Face à une Speaker qui lui rappelle que le temps imparti est terminé et qu’il n’a pas demandé à poser une dernière question, le leader de position se plie à la décision de Maya Hanoomanjee, sans broncher.

Aadil Ameer Meea est, lui, bien moins coopératif. Avant que le Premier ministre ne réponde à sa question sur le salaire du secrétaire financier Dev Manraj, le député demande à prendre la parole. Il se plaint de sa question «curtailed». La Speaker ne permet pas à l’élu de Port-Louis Maritime/Est (no 3) de poursuivre. «Let him say!» proteste Paul Bérenger. Face à l’intransigeance de la présidente de l’Assemblée nationale, le leader du MMM tire sa conclusion : son attitude signifie qu’elle veut «protect somebody».

Meea persiste, mais la Speaker refuse de céder du terrain et invoque les standing orders du Parlement. «There must be consistency », plaide le chef des mauves. Avant d’adopter un ton plus guerrier, à coût de «censure» et de «shame». L’élu du no 3 estime être dans son bon droit. Rajesh Bhagwan lui prête main forte : «Censure sa, madam. Pou Sanspeur ti kapav poz kestion.» Peine perdue.

Pravind Jugnauth commence à répondre à la question expurgée du député mauve. Et donne des détails sur les salaires de Manraj. A peine la réponse du Premier ministre terminée, Meea demande à poser une question supplémentaire sur les présidences d’institutions publiques occupées par le secrétaire financier. Le chef du gouvernement refuse de répondre, affirmant que la question s’éloigne du sujet principal. Dépité, l’élu mauve dit ne pas vouloir poser de questions supplémentaires car le Premier ministre refuse de répondre.

Mais Pravind Jugnauth se rebiffe. «Let me answer the question.» La proposition sème la confusion dans les rangs de l’opposition. «Kote? Pann poz kestion-la», s’étonne Shakeel Mohamed. Paul Bérenger est moins réservé. «Komik sa boug-la. Ti komik!» balance-t-il en direction du Premier ministre. «Pire Speaker», poursuit-il en se tournant vers Maya Hanoomanjee. Mais le Premier ministre insiste pour répondre. Les rouges et les mauves s’agitent tandis que les élus du PMSD gardent leur calme. «Malelve, les li koze», reproche Mahen Jhugroo. La voix du ministre est noyée par le brouhaha de l’opposition. Debout, tentant de répondre, Pravind Jugnauth est interrompu par Hanoomanjee qui s’est, elle aussi, mise debout pour rétablir l’ordre. Le chef des mauves lui donne d’ailleurs un coup de main. «Asize do!» ordonne-t-il au Premier ministre en lui faisant remarquer que la Speaker est on her feet.

Assis, sans hausser la voix, Pravind Jugnauth s’en prend à Bérenger : «Boufon, to pe fer boufon.» L’ordre revenant, Maya Hanoomanjee permet à Osman Mahomed, de poser une question supplémentaire sur un déplacement de Manraj au Kenya. Jugnauth propose de déposer les informations à l’Assemblée nationale après avoir vérifié s’il les a. Aadil Ameer Meea est à bout : «To pa ti dir to pou konpile.»

Les rangs de la majorité et du MMM s’agitent. Les uns disant que le Premier ministre a proposé de déposer les informations, tandis que les autres affirment qu’il vient quelques minutes plus tôt de dire que les informations sont en train d’être compilées. Dans le vacarme, Paul Bérenger singe la Speaker. «Wai! Order! Fou tou deor. Pire Speaker», provoque-t-il. Tandis que Bhagwan lance «Premie minis linpos» au leader du MSM.

«To bizin ekout bien. Al netway to zorey», se moque Pravind Jugnauth. Mais la remarque ne fait pas rire Rajesh Bhagwan. «Have you listened to him ?» demande-t-il, rouge de colère, à Maya Hanoomanjee. Mais celle-ci le rappelle à l’ordre. Le député de Beau-Bassin/Petite-Rivière (no 20) en prend ombrage, ne comprenant pas pourquoi la Speaker le reprend tout en ne disant rien au Premier ministre.

«You’re protecting him», crie Bhagwan. Tandis que Paul Bérenger émet des suggestions à Hanoomanjee : «Try to be a Speaker.»  La présidente du Parlement tente vainement de ramener le calme en vain face à l’élu du no 20 debout.  Sur tous les tons, elle lui demande de s’asseoir une demi-douzaine de fois. Puis lui demande à répétition de retirer son accusation de favoritisme à l’encontre de la présidence de l’Assemblée nationale. Toutes les tentatives de Hanoomanjee d’amener Bhagwan à la raison échouent. «I maintain you are protecting him», défie le député mauve.

La Speaker se résout à le sanctionner. «I have no other alternative, I have tried my best to keep you in the House» explique-t-elle avant d’ordonner l’expulsion de Bhagwan. Assis à sa place, celui-ci ne bouge pas tandis que Hanoomanjee répète à quatre reprises son ordre d’expulsion. Le député mauve persiste, sa main sur le côté de sa tête, il fait semblant de tendre l’oreille. Affirmant n’avoir rien entendu.

La situation dégénérant, la Speaker suspend la séance. Sous les «Shame on you! You are the shame in this House!» du chef du MMM. La Speaker quitte l’hémicycle en pointant du doigt Paul Bérenger et Rajesh Bhagwan. «Amenn riot», provoque à nouveau l’ancien Premier ministre. Il est 12h20, les travaux s’interrompent.

La séance levée, les députés du PMSD quittent l’hémicycle. Pas ceux du MMM. Bobby Hurreeram, le Chief Whip vient consulter le Premier ministre à deux reprises. «Al koz dan so biro do. Al konplote laba», lancent les élus du MMM.

Pravind Jugnauth se lève à son tour, à deux reprises, pour aller discuter avec la Speaker. Bhagwan en fait de même. Ainsi qu’Ivan Collendavelloo. Peu à peu, le calme revient. Reza Uteem, Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan, Aadil Ameer Meea et Franco Quirin rient tous de bon cœur aux blagues des uns et des autres.

13h29, la sonnerie retentit à nouveau. Xavier Duval arrive avec un exemplaire des standing orders sous le bras. Bien décidé à en découdre. Dès le début de la séance, il demande à invoquer un point of order. Mais Maya Hanoomanjee l’interrompt. Car elle souhaite faire une déclaration au sujet des incidents d’une heure plus tôt. Les deux belligérants ont décidé de retirer leurs propos, révèle la Speaker. Tour à tour, Rajesh Bhagwan et Pravind Jugnauth obtempèrent.

Duval débraye. «I withdraw also», dit-il à Hanoomanjee. Qui suspend immédiatement la séance pour la pause déjeuner.

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