Il est 11h08. Les auxiliaires s’affairent à distribuer les documents et textes à l’ordre du jour. Vikash Oree est le premier arrivé. Mais il ne fait que déposer ses affaires pour repartir tout aussi vite. Ravi Rutnah dépose discrètement ses affaires, ouvre une enveloppe et s’en retourne, lui aussi.

Quatre minutes plus tard, Alan Ganoo pénètre dans l’hémicycle. Le leader du Mouvement patriotique est affairé à ses notes, partagé entre ses notes et sa tablette. Bobby Hurreeram entre à son tour avec son salut habituel à la galerie de la presse. Arrivé entre-temps, Maneesh Gobin l’interpelle : «Bobs!» Le Chief Whip prend de ses nouvelles : «How are you?» Debout, les deux hommes discutent autour d’une liste.

Ivan Collendavelloo arrive à son tour et se joint à leur conversation. Le Deputy Prime minister commente les articles parus ce matin, où Alan Ganoo conteste le fait que Bobby Hurreeram a secondé la motion de Rutnah contre Shakeel Mohamed sur la question d’outrage à la Speaker. «Moi, quand je ‘second’, je fais comme ça», dit Collendavelloo d’un air amusé à Hurreeram tout en hochant à la tête. «Mais de toute façon, toute la session, je suis en train de faire comme ça», poursuit le DPM en hochant la tête et fermant les yeux, mimant sa posture à l’air endormi.

Le leader des mauves, de bonne humeur, est en pleine conversation avec la députée MMM Danielle Selvon. Sir Anerood Jugnauth arrive à petits pas, sans dossiers ni gardes du corps. Mahen Jhugroo, qui l’a précédé, le laisse passer. Le ministre mentor échange une poignée de mains avec le ministre du Logement et des Terres et le Chief Whip.

Jhugroo s’installe au front bench aux côtés du ministre mentor, Collendavelloo s’étant éclipsé. La conversation est brève, Jhugroo rejoint son siège. Le Deputy Prime minister est de retour et reprend le sien.

Fazila Jeewa-Daureeawoo, arrivée entre-temps, échange quelques mots avec Ashit Gungah, qui a des documents en main. La Vice Prime minister rejoint le front bench et échange des plaisanteries avec le DPM, son voisin de table.

Yogida Sawmynaden a rejoint Hurreeram et Jhugroo. Les députés MSM discutent foot. A quelques minutes de la cloche qui annonce le début de séance, le siège de Raj Dayal est vide. Alors que le député de Flacq/Bon-Accueil est d’ordinaire l’un des premiers à s’installer.

Pravind Jugnauth prend place à 11h30. Contrairement à son habitude, il ne plonge pas tout de suite dans ses notes. Le Premier ministre converse un moment avec sir Anerood Jugnauth et Ivan Collendavelloo tout en disposant tranquillement ses affaires sur son pupitre.

La cloche retentit. Le leader de l’opposition Xavier Duval fait son entrée, aux côtés des députés PMSD Malini Sewocksingh, Dan Baboo, Salim Abbas Mamode, Patrice Armance et Aurore Perraud.

Ken Arian, Special Advisor du Premier ministre, se hâte de lui remettre un document avant de rejoindre la rangée réservée aux fonctionnaires. Sir Bhinod Bacha est déjà installé.

L’hymne national se termine, les ministres Pradeep Roopun et Etienne Sinatambou rejoignent l’hémicycle.

On attaque avec la Private Notice Question. Ashit Gungah fait savoir qu’il répondra à la place du Premier ministre. Ce qui irrite Duval : «Trouve, in! Pa pran responsabilite.» Paul Bérenger, la liste de questions en main, se retourne, l’air contrarié, vers Aadil Ameer Meea. Reza Uteem, absent lors des deux dernières séances, est prêt à prendre des notes.

Le leader de l’opposition ne digère pas le fait que Pravind Jugnauth ait passé la main. Il soulève un point of order. «Aret fer sinema! Aret fer sinema!» lui intime le chef du gouvernement. Maya Hanoomanjee intervient alors. La Speaker estime que la question est «générale» et que la décision du Premier ministre se justifie. Les «In! In!» de l’Attorney General Maneesh Gobin ponctuent le ruling de la Speaker.

Jugnauth n’en a pas fini. «Ta! Pa vinn donn mwa leson!» lance-t-il à Duval. Sewocksingh vient en renfort à son leader : «Kestion la kler lor papie.»

Ashit Gungah déroule sa réponse écrite. La State Trading Corporation a payé Rs 1,25 milliards de dividendes depuis janvier 2016, affirme le ministre de l’Industrie et du Commerce. «Manti!» rétorque Duval.

Il est l’heure des questions supplémentaires. Le leader de l’opposition se dit choqué que le Premier ministre esquive ses questions. «Poz to kestion», intime Jugnauth. «Kestion poze, inn fini gagn repons, non?» renchérit Mahen Jhugroo. Ashit Gungah insiste, de son côté : la hausse des prix de l’essence et du diesel était inévitable, Maurice n’a pas de ressources naturelles mais il faut quand même qu’il y ait du développement…

Le leader de l’opposition s’impatiente, Adrien Duval aussi : «Asiz twa…» Xavier Duval titille Jugnauth : «To sove, to pa reponn.» Le Premier ministre ne se laisse pas démonter : «Ale! To pa konn poz kestion!»

Duval interroge Gungah sur les contributions au Build Mauritius Fund et les subsides sur le riz et la farine. Jugnauth ne laisse pas passer : «Ki sannla ti fer Build Mauritius Fund? To mem papa», raille-t-il. «Ki ou panse, ou?, dit Jugnauth, se retournant vers SAJ. Li mem sa.»

Gungah est en train de faire le même point. La situation financière était «dramatique» quand l’Alliance Lepep a pris le pouvoir en décembre 2014. «La plupart» des fonds du Build Mauritius Fund a été utilisé pour «réparer les gabegies du gouvernement précédent. Le député travailliste Shakeel Mohamed s’excite : «To remet blam lor nou ankor la? Ale do ta! Met sa an ‘reverse’… Ena beze la!» Adrien Duval relance Gungah : «Reponn kestion la.»

Le ministre de l’Industrie et du Commerce est toujours debout à répondre. Duval s’énerve auprès de la Speaker : «Extra time?» La Speaker tente de l’apaiser : «Keep calm.» Arvin Boolell et Shakeel Mohamed lancent en chœur : «Pey Dayal!» Hanoomanjee rappellent à Duval et Gungah que questions et réponses doivent être «concises et directes».

A en croire le leader de l’opposition, l’argent prévu pour les subsides sur le riz et la farine reste dans les coffres de la State Trading Corporation. C’est «un vol, un crime», s’insurge Duval, alors que le Premier ministre «is running away from the question». «Ale do!» rétorque Jugnauth.

Gungah rappelle la hausse des subsides sur la farine et les baisses des prix. «Never used», rétorque Duval. On est passé au gaz. «Fini bese, to pa aste gaz twa», lance Pravind Jugnauth. Shakeel Mohamed répond du tac-au-tac : «Li pe rann gaz la.»

Duval maintient que c’est un vol, il utilise le mot «thief». La Speaker intervient promptement : «You are saying the minister is a thief, you have to withdraw.» Le leader du PMS s’exécute, à moitié : «I withdraw, the STC is a thief.» Hanoomanjee n’est toujours pas satisfaite. Duval trouve une parade : «I said the minister is a chief.»

Hanoomanjee n’est pas convaincu, Gungah est amusé tout comme les autres parlementaires de l’opposition, ainsi que les ministres Sawmynaden et Koonjoo. L’atmosphère se détend un peu, mais pas pour tous. Bérenger s’offusque à voix haute : «What a farce! What a shame! Enn Parlman sa?! Al sot dan larad.» Duval s’énerve que Gungah prenne trop de temps pour répondre, «wasting, stealing my time». Le leader de l’opposition maintient que «Rs 1,2 milliard ont été volés du Petroleum Account», que cet argent a été «volé aux pauvres» pour finir dans les poches de la STC. «Arnaqueur !» lance-t-il en brandissant un rapport. Et c’est confirmé par le bureau de l’Audit.

Duval maintient la pression et change cette fois son fusil d’épaule. La Banque de Maurice déprécie la roupie de façon délibérée, affirme le leader du PMSD. Et le public se retrouve à subventionner les exportateurs. «The Prime minister is running from the question», réaffirme le leader de l’opposition. «Running away to do what?» veut savoir le principal concerné. «Pa met to bouson, twa! To kone li’nn fer frod», interjette Shakeel Mohamed.

Le dollar s’est apprécié, explique Gungah et sous l’ancien régime… Le ministre n’a pas le temps de poursuivre que Thierry Henry et Adrien Duval l’invitent de nouveau à s’asseoir. Duval conteste les chiffres de Gungah, estimant que ce dernier est peut-être «manipulé». «To pe per?» balance Jugnauth. «To pe gagn per?» renchérit Jhugroo. Aurore Perraud intervient : «Koze, to pa koze. To pe sove!»

Xavier Duval cite encore des chiffres, mentionne Rs 900 000. Adrien Duval le corrige : «Non, millions.». Duval maintient : c’est bien Rs 900 000, sous l’œil amusé de Jugnauth et de Toussaint. Perraud revient à la charge : «Papa piti linpos!»

Duval note les commentaires de Jugnauth : «The Prime minister has run away from the question and is now answering from a sitting position.» Et de souligner l’ironie, alors que le brouhaha reprend dans la salle : «A joke! To enn komik! Komik!» Hanoomanjee tente de ramener l’ordre dans l’hémicycle. Ses appels sont ignorés. «Ok, let’s waste time… I have aboslutely no problem if we waste time.»

Duval enchaîne : la STC a confirmé avoir payé Rs 2 milliards au gouvernement, et non Rs 1 milliard. Gungah se défend : «Le leader de l’opposition balance des chiffres comme ça.» Adrien Duval : «Donn li enn ti papie.» Bérenger se met de la partie : «Enn ti bout pou Dayal.» «Dayal !» renchérit Reza Uteem. Ravi Rutnah prend la mouche : «Ki to panse? Jackpot isi?»

Les Rs 1,25 milliards couvrent une période de 18 mois, précise Gungah. C’était justement la question, le tance Duval. Qui soutient que les dépenses à la STC ont «crevé le plafond».

Maurice fait partie des pays où le prix du carburant comparé au pouvoir d’achat est des plus chers. Tout le contraire, estime Gungah, c’est «abordable». «Abordable for you», le coupe Shakeel Mohamed.

Gungah, à la dernière question de Duval, maintient qu’il n’y a pas de dépréciation «délibérée» de la roupie, mais que le dollar s’apprécie. «Stick to your mathematics, twa», interjette Adrien Duval.

La PNQ terminée, Xavier Duval quitte l’hémicycle.

Place à la tranche des questions au Premier ministre. Celui-ci prend son temps. Paul Bérenger n’en revient pas : «Shame! Incroyable! Shame!… Could go on like that… Li inpe lan.» Pravind Jugnauth s’interrompt. Puis lance en direction de Bérenger : «Ki li gagne? Ena fourmi anba li? Al get konstitision to parti, to fer bien.» Le Premier ministre ne lâche pas l’affaire. «Obeegadoo mem pe koze.» Le leader du MMM s’agite. «I think he needs to calm down. I can understand the heat under him», ironise Jugnauth. «Amende la Constitution», glisse-t-il dans un souffle.

«Donn li tou lapremidi», ajoute le leader des mauves. Jhugroo vient à la rescousse : «Les li reponn.» Bérenger grommelle toujours : «What a shame! Speaker la pou rant dan ‘annales de l’histoire’.»

Maya Hanoomanjee s’offusque : ce n’est pas à Bérenger de lui donner des ordres, il doit «withdraw». Mais le Premier ministre est à sa réponse écrite depuis dix minutes, intervient Aadil Ameer Meea. Rajesh Bhagwan soulève un point of order alors que Xavier Duval regagne sa place. En face, Jhugroo lui intime de laisser Jugnauth poursuivre.

Paul Bérenger est irrité : «Speaker finds this acceptable.»  «Les li reponn», reprend Jhugroo. «Mo pena lord pou pran ar twa, mwa!» s’emporte le député de Beau-Bassin/Petite-Rivière. «Minis linpos!» lance-t-il à Jugnauth. «Al demann Steve laba!» rétorque Jhugroo. Xavier Duval se met de la partie : «Pe sove mem la?»

Maya Hanoomanjee tente en vain de ramener le calme. Elle finit par suspendre la séance. Bérenger n’en a pas fini : «Zame inn gagn enn Speaker koumsa. Shame lor sa Parlman la!»

De l’autre côté des travées, les occupants du front bench sont plutôt calmes. Ivan Collendavelloo dit quelque chose qui fait rire Jugnauth. Bobby Hurreeram va s’entretenir avec le Premier ministre, une feuille en main.

Bérenger, de son côté, rumine toujours quant à l’attitude de Hanoomanjee. «Avoy li fer fout! Speaker sa?» dit-il, s’adressant à Reza.

Salim Abbas Mamode s’étonne de la coiffure de Rutnah : «Ki sa lakoup la , sa?» lui demande-t-il. Dan Baboo s’intéresse, lui, à la cravate rose du Deputy Whip. Duval se met de la partie : «To kilot pa roz, non? To pa met kilot?»

La suspension de séance dure moins de dix minutes. La Speaker revient à sa place, Bérenger se lève au dernier instant. Pravind Jugnauth reprend sa lecture dans le calme.

On passe à la question suivante, celle de Meea sur le Build Mauritius Fund. Duval lance : «Reponn, chief.» Pravind Jugnauth intervient promptement : «Ki to le? Obeegadoo reponn? Oubien Labelle? Oubien Jeeha?» Veda Baloomoody : «Ale do, bann malang! Bachara!» lance le premier.» Reza Uteem renchérit : «Ale!» Bhagwan ajotue son grain de sel : «Chor! Maha chor kot twa!» «Goal!» s’amuse Jhugroo.

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