Il y a des signes qui ne trompent pas. La fin de mandat approchant, chaque chef de gouvernement laisse une fenêtre ouverte pour évaluer l’état d’esprit de ses adversaires – et possibles alliés en puissance. Le pack de la réforme électorale récemment proposé par Pravind Jugnauth était aussi cela. D’ailleurs, les réponses ne se sont pas fait attendre. Le PMSD, zoli mamzel autoproclamée de la scène politique, a vite dressé une liste de prétentions à l’égard d’un éventuel soupirant. Le MMM, dans une étonnante démonstration de naïveté, a montré une disposition favorable. Avant de fermer la porte à une entente à coup de «nou fonse, nou al eleksion zeneral tousel».

L’autre zoli garson de la scène politique, le Parti travailliste, n’entretient aucune velléité d’alliance avec la formation de Pravind Jugnauth. Une étonnante confiance – feinte ou assumée – semble même avoir rebuté la zoli fianse en puissance des rouges. Econduit par un deal jugé trop difficile à vendre aux joes, le PMSD regarde ailleurs par dépit. Le leader politique est un être méfiant, peureux et précautionneux à la fois, le chef du MSM soupèse donc ses options. Un attelage avec le Muvman Liberater, le PMSD et même le Mouvement patriotique ? Ou alors renouer avec le parti de Paul Bérenger ?

S’il peut encore décider de l’alliance qui lui offre le plus de chances d’une victoire, Pravind Jugnauth semble toutefois ne pas avoir la main sur le timing des prochaines législatives. Elles seront organisées quelque part entre fin octobre et mi-décembre 2019. Des raisons objectives expliquent pourquoi le Premier ministre pourra difficilement faire autrement.

D’emblée, éliminons la possibilité que le chef du gouvernement aille jusqu’à la toute fin de son mandat et organise les élections générales début 2020. De droit, l’Assemblée nationale sera dissoute le 21 décembre 2019. Pravind Jugnauth aura alors la possibilité d’appeler le pays aux urnes jusqu’en mai. Avec la saison cyclonique battant son plein jusqu’à fin février, le Premier ministre passera alors au moins trois mois à être in office but not in power. Exposant son autorité aux sabotages – et sabordages – administratifs de fonctionnaires. Mais aussi au travail de sape de l’opposition. Tout cela aura pour effet d’accentuer l’image d’un Premier ministre s’accrochant au pouvoir. Inutile, donc, de s’attendre à des élections en 2020.

Les spéculations vont également bon train sur une snap election d’ici avril ou mai 2019. Le raisonnement est simple. Il a été adopté par plusieurs chefs du gouvernement : sonner l’adversaire en ne lui donnant pas l’occasion de s’organiser et mobiliser ses troupes en à peine un mois pour briguer les suffrages. En faisant cela, Pravind Jugnauth manquera toutefois deux grands rendez-vous.

D’abord celui du Budget : qui lui servira à asseoir et défendre son bilan économique et d’annoncer éventuellement la revalorisation marke garde de la pension de retraite universelle. Qui a de bonnes chances d’être alignée sur le salaire minimum national. Annoncée en dehors du Budget, la mesure ressemblerait à un vulgaire bribe électoral. Insérée dans une vision économique et sociétale d’ensemble, elle causerait moins de remous.

Pis, il y a ces projets d’infrastructures majeurs. Le plus important d’entre eux, le Metro Express, ne sera livré qu’en septembre 2019. De même, le nouveau bâtiment de la Cour suprême ne sera pas livré avant mi-2019. Le tronçon endommagé de l’autoroute Terre-Rouge/Verdun ne sera, lui, complètement réparé que vers mars. Si ces deux derniers projets peuvent être considérés comme secondaires, il est impensable que Pravind Jugnauth n’inaugure pas le Metro Express comme chef du gouvernement plénipotentiaire. Et non comme un lame duck transformant de manière éhontée la cérémonie officielle de lancement en un obscène meeting de campagne financé par l’Etat.

L’atout de la dissolution du Parlement et le choix de la date des élections sont une des prérogatives les plus importantes d’un Premier ministre. Que celui-ci utilise de manière tactique. Habituellement, la tactique implique aussi un élément de surprise. Pravind Jugnauth semble ne pas pouvoir bénéficier de cet avantage. Donnons-lui donc rendez-vous entre octobre et décembre 2019 pour la campagne électorale.

 

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