Kok sante, soley leve. Ansam nou travay kare kare pou sov nou zil. Vu les circonstances, il vaut mieux remplacer zil par Muvman Liberater (ML) dans l’hymne de campagne de la défunte Allliance Lepep. Tant le parti d’Ivan Collendavelloo est ballotté par de violents vents contraires depuis l’affaire Sobrinho. Pour ne rien arranger, ce mardi, Anwar Husnoo a administré en plein Parlement – et en live – un camouflet à son parti et à son camarade de travée : Anil Gayan. Depuis, les spéculations enflent. Roshi Bhadain, Alan Ganoo et d’autres prédisent le départ du ML du gouvernement. Certains, au MSM, allant jusqu’à penser que Collendavelloo claquera la porte du gouvernement dans un sursaut d’orgueil. Quitte à les décevoir, ce ne sera probablement pas le cas.

Pour la simple raison que le ML ne peut pas se permettre le luxe d’un tel baroud d’honneur. Le parti kare kare est une  anomalie politique née dans un contexte précis : l’appel à l’indignation des militants lancé par Collendavelloo au moment du mariage éphémère du MMM et des travaillistes en 2014. Depuis, la bulle a éclaté. Les militants du ML ne retenant de Collendavelloo que ses déclarations tonitruantes sur le prix de l’eau notamment. Et plus généralement son arrogance, bâtie sur sa facilité à manier le verbe et à humilier ceux qui ne sont pas de son avis – un trait qu’il a en commun avec Paul Bérenger. Bientôt, les militants du ML et le pays découvriront aussi la Sumputh de Collendavelloo. Ce qui achèvera de brouiller l’image de vertueux qu’il a voulu incarner face au leader du MMM – accusé d’avoir trahi les idéaux de son parti et la confiance de ses militants.

Diminué, Collendavelloo ne peut, non plus, compter sur l’aura de ses cadres élus pour amortir la chute. Anil Gayan ? Dépêtré dans l’affaire Sumputh et handicapé par sa maladresse et son intransigeance inutiles à la Santé, l’actuel ministre du Tourisme est démonétisé. Eddy Boissezon ? Lisse et sans grande carrure politique, le ministre de la Fonction publique est à peine audible. Anwar Husnoo ? Il a géré la situation des marchands ambulants avec tact et détermination. Mais depuis mardi dernier, il ne fait aucun doute que son allégeance va à son Premier ministre avant d’aller à son leader.

Tulsiraj Benydin ? Ses anciens camarades syndicalistes rigolent en décrivant ce qu’il est devenu : un figurant et l’ombre du syndicaliste qu’il a été. Ravi Rutnah ? Le député de Piton/Rivière-du-Rempart a été plébiscité, grâce au capital politique considérable de sir Anerood Jugnauth dans cette circonscription. Depuis, il semble vouer une grande reconnaissance au MSM. Jusqu’à en être le pom-pom boy à l’Assemblée nationale, semaine après semaine. Enfin, Sangeet Fowdar ? L’élu de Grand-Baie/Poudre d’Or étale ses différends avec la hiérarchie de son parti sur la place publique depuis des mois. A se demander s’il est toujours membre du ML…

Ce casting médiocre ne permet aucunement à Collendavelloo de rouler des mécaniques auprès de son partenaire. D’autant plus que si SAJ était sensible à l’intelligence et au charisme du patron du ML, Pravind Jugnauth l’est moins. Au point d’envoyer un signal non équivoque en choisissant Luchmyparsad Aujayeb pour déterminer dans quelles circonstances l’amie d’Anil Gayan a bénéficié de Rs 100 000 d’augmentation en tant que directrice du Centre cardiaque.

Selon nos recoupements, l’ancien patron de l’ICAC aurait été choisi à partir d’une short list et sa feuille de route lui a été communiquée strictement par le canal administratif. Aucun politique n’ayant entrepris – ou pris le risque – de lui dire viva voce ses terms of reference. Et, éventuellement, insidieusement lui indiquer les attentes du gouvernement. Le rapport d’Aujayeb tombera dans 6 ou 8 semaines. Et qu’importe les conclusions et recommandations, Pravind Jugnauth compterait agir en conséquence.

En attendant, Collendavelloo et ses quelques rares affidés serrent les dents et espèrent que l’orage passe. Mais il pourrait ne pas passer. Certes, Pravind Jugnauth n’est pas un va-t-en-guerre, mais il mesure sans doute pleinement les bienfaits de diriger seul, quitte à accueillir quelques élus kare kare démissionnaires au MSM. C’est toutefois une option que le Premier ministre ne peut contempler que s’il a l’assurance de pouvoir gouverner plus sereinement à l’avenir.

Enter le MMM. Pour plusieurs responsables de l’opposition, les dés sont jetés. Paul Bérenger acceptera une alliance avec son « petit frère » Pravind Jugnauth. Quitte à ne pas légitimer le deal par des élections générales anticipées. D’aucuns sont tellement persuadés du désespoir du leader des mauves de finir sa carrière en beauté qu’ils le voient déjà accepter d’être président de la République. A la faveur d’un départ prématuré d’une Ameenah Gurib-Fakim installée sur un siège éjectable depuis quelques semaines.

La situation est-elle seulement aussi simple ? Sans doute pas. Le vieux renard qu’est Bérenger pourrait bien être en train de jouer un tour au MSM. Timoré dans ses attaques contre Pravind Jugnauth, laissant enfler les spéculations sur un rapprochement blanc-mauve, le leader du MMM maintient le flou. Une attitude susceptible d’encourager le patron du MSM et ses stratèges à penser qu’une alliance est possible et du coup maintenir la ligne dure envers le ML afin de mieux le pousser vers la sortie.

Mais Bérenger – et probablement Pravind Jugnauth aussi – mesure pleinement les défis d’un rapprochement. D’abord, il y a le risque d’un décembre 2014 à l’envers. Vu toutes les insultes que se sont échangées les deux hommes ces dernières années, la version 2017 ou 2018 de Vire Mam avec le duo Paul-Pravind pourrait faire très mal. Ensuite, il y a le temps politique. Le MSM ne paraît pas encore suffisamment mûr pour être cueilli dans le cadre d’une négociation.

Enfin, en contemplant une alliance aussi rapidement après sa prise de pouvoir, Pravind Jugnauth signerait un aveu de faiblesse conséquent. Projetant l’image d’un leader incapable de gouverner seul. En pleine phase d’affirmation, il serait étonnant que l’actuel Premier ministre veuille présenter une telle image de vulnérabilité. Le Premier ministre n’a pas non plus intérêt à figer ses options politiques aussi tôt.

Conséquence ? Si des brèches évidentes sont apparues dans les relations MSM-ML, aucun des deux partis n’a intérêt à aller à l’affrontement. Après la tempête viendra donc le calme. Aussi sûrement qu’après l’accalmie, la prochaine tempête emportera ce qu’il reste du parti de Collendavelloo.

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