Fascinant, affligeant et inquiétant. Le spectacle offert lors de l’assemblée des délégués du MMM de ce dimanche était tout cela à la fois. Explications…

Fascinant. Le MMM est probablement le parti ayant les problèmes internes les plus graves du moment. Or, s’il y a une chose que l’on peut retenir de la réunion de ce dimanche, c’est que l’apparence de la démocratie au sein du parti est sauve. Même si Paul Bérenger avait demandé que les caméras soient éteintes pendant les débats, les journalistes ont pu rester dans la salle pour témoigner de scènes surréalistes – impensables dans d’autres partis.

Comme un Paul Bérenger cuisiné par un militant retors sur l’existence du principe d’une direction collégiale dans la constitution du parti. Ou l’intervention courtoise mais néanmoins musclée de Steven Obeegadoo sur les méthodes « kas lizie, kas leker » de la direction en place. Le tout ponctué par des cris de « yes-men nou pa le ! » de quelques mauves s’opposant ouvertement aux positions de Bérenger. On est à des années lumière d’un MSM oligarchique ou d’un Parti travailliste – jusqu’à encore tout récemment – despotique.

Affligeant aussi. Car le parti est en plein trouble de la personnalité multiple. Il y a d’abord les démissionnaires et ceux qui pourraient leur emboîter le pas. Ils se sont tous drapés d’une aura de sagesse et de rectitude. Il n’empêche que leur attitude aurait pu être tout à fait différente s’ils s’étaient retrouvés membres des instances de décision les plus importantes du parti. L’indignation peut être ainsi à géométrie variable, dépendant si on est dans le cercle du pouvoir ou hors de celui-ci.

Il y a ensuite les nouveaux renégats. Membres de plein droit du bureau politique, Steven Obeegadoo et Kavi Ramano ont volontairement choisi de faire bande à part ce dimanche. Sachant pertinemment que cette posture ne passerait pas inaperçue auprès des militants présents. En effet, la frustration et le sentiment d’injustice chez les deux hommes semblent recevoir un large écho chez les militants. Naturellement, ceux-ci se désolent du fait que les très bons scores des deux hommes lors des élections internes ne leur ont pas valu des places de choix parmi les décideurs mauves.

Admettons toutefois que la critique puisse être facile, vis-à-vis de la direction collégiale actuelle. Surtout si l’on fait mine d’ignorer que ce type de structure, non formalisée, existait déjà en 2005 dans le parti. Elle comptait d’ailleurs en son sein certains des frondeurs actuels. Admettons aussi que des questions d’égo aient pu peser. Menant à des demandes ou à des attentes déraisonnables de la part d’individus portés par l’élan d’un quasi-plébiscite lors des élections du comité central ou du bureau politique mauve. Comment ne pas arriver, dans ces circonstances, à la conclusion que la communication et le dialogue au sein du MMM semblent enrayés. A cause de la mauvaise foi des uns et probablement aussi de l’intransigeance ou de l’incapacité d’expliquer des autres.

Enfin, comment ne pas faire l’impasse sur le spectacle affligeant qu’offre une nouvelle fois Bérenger lui-même. Il faut lui reconnaître sa capacité à laisser la plupart des militants s’exprimer. Mais son attitude vis-à-vis des critiques demeure choquante. Pas un regard pour Obeegadoo ou Ramano pendant qu’ils disaient leurs quatre vérités à leur patron. Fin de non-recevoir à un militant posant une question sur la Constitution du parti. Attitude générale ouvertement condescendante, voire méprisante envers ceux émettant des critiques contre la direction collégiale du parti. Le tout agrémenté de moments où l’ire de Bérenger, devenu rouge comme une banderole du Parti travailliste, se lisait sur son visage. A la manière d’une cocotte-minute au bord de l’explosion.

Inquiétant, enfin. Car on ne peut s’empêcher de constater le manque de lucidité des militants. Ils souffrent d’un mal étonnant, qui consiste à vouloir une chose mais ne pas en accepter les conséquences. Cette chose – politique –, ou plutôt cette personne, est Paul Bérenger. Ceux qui le connaissent admettent que l’homme ne changera pas. C’est une qualité mais aussi un grand défaut qu’il porte depuis 45 ans. Il est donc inquiétant de constater à quel point les militants et même les cadres du parti se bercent de la douce illusion d’une mue soudaine de leur patron.

Bérenger est Bérenger. Il a sa méthode, son attitude, ses blocages, ses idées arrêtées – opportunément variables parfois – sur le choix des personnes dont il choisit de s’entourer. Aucun militant ne peut plaider l’ignorance à ce sujet. Ainsi, si Bérenger a été élu leader du MMM, c’est pour faire ce qu’il sait faire en étant ce qu’il est. Il ne reste donc plus qu’une seule attitude possible. Si les militants pensent que le leader historique mauve ne convient plus, le choix est simple : le bouter hors du leadership. Mais les militants ne semblent pas vouloir arriver à cette simple conclusion…

Les partis politiques, comme toutes les institutions, ont une vie. Ils naissent, se consolident, arrivent à leur apogée pour ensuite perdre de leur importance, voire péricliter. Le MMM est dans sa phase descendante. Si le parti a contribué à l’espace démocratique du pays et permis quelques avancées salutaires çà et là, ce n’est pas au pays et à ses citoyens de le sortir de l’impasse actuelle où il se trouve. C’est aux militants de décider s’il faut l’en extirper. Sans quoi, empêtré dans d’interminables querelles internes, le MMM pourrait se marginaliser et devenir la risée des électeurs. Jusqu’à devenir une sorte de Parti Gaëtan Duval, obligé de mendier une alliance à la veille des élections de 1995.

C’est aux militants de guérir leurs haut-le-cœur du moment. Cela passe par une alliance, non pas avec le Parti travailliste ou le MSM… mais avec eux-mêmes. Avec un réel programme non pas sur la 2e République… mais sur leur propre devenir.

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