Jusqu’ici, nous étions habitués aux lobbies socioreligieux qui interfèrent dans les affaires de l’État. De la politique énergétique aux nominations en passant par les discours lors des célébrations religieuses, nous aurions tout vu. Mais l’affaire Cheikh Khaled n’est pas moins grave. Depuis quand revient-il au gouvernement de se prononcer sur l’acceptabilité, ou non, d’un discours religieux ? La neutralité de l’État exige qu’il ne s’immisce nullement dans les affaires religieuses.

S’il y a eu délit, crime ou violation de la loi, il revient à la police d’agir à partir de preuves et de l’accuser. Mais ce n’est nullement le rôle du pouvoir d’être d’accord ou pas avec le discours d’un homme religieux. L’association qui l’invite ou l’emploie comme formateur est seule habilitée à décider si elle veut ou non de ce dernier. Si d’autres personnes ou organisations ne veulent pas du Cheikh Khaled, elles n’ont qu’à s’éloigner de lui. Si elles possèdent des preuves qu’il a enfreint les lois du pays, elles doivent procéder selon la loi car nous sommes dans un État de droit. Elles ne peuvent inciter les politiques à s’ingérer dans les affaires religieuses.

Ce qui se produit est grave. Verra-t-on demain des atteintes à la liberté religieuse, particulièrement concernant le droit d’avoir une opinion divergente en matière de culte ? Si sur l’essentiel, les croyants sont d’accord, il existe de nombreuses différences sur les détails de la religion. Les lectures sont ici littéralistes, là-bas traditionalistes, et ailleurs plutôt portés vers la réforme. Faudra-t-il passer par le « Ministère » des Affaires religieuses pour avoir le droit de s’exprimer ? Ou avoir l’approbation des nouveaux inquisiteurs avant de dire sa différence ?

Remarquons qu’il ne s’agit nullement de porter atteinte à l’égalité des citoyens devant la loi, mais au contraire de refuser aux politiques le droit d’instrumentaliser la religion. Nous avons trop vu d’exemples ailleurs, ou dans l’Histoire, où les pouvoirs politiques et religieux se soutiennent mutuellement à travers un lien incestueux. Il faut éviter que cela se reproduise en notre République.

Finalement, que reproche-t-on concrètement au Cheikh Khaled ? C’est impossible de le dire. Je ne le connais pas et je n’ai pas l’honneur de faire partie de ses disciples. Je pense même que nous avons des opinions divergentes sur les détails de la foi, peut-être même sur la pensée musulmane. Mais je l’ai écouté et il mérite tout mon respect, en dépit du fait que je ne sois pas toujours d’accord avec ce qu’il dit. Il appartient, je pense, à une tendance qui n’est pas la mienne mais dont je reconnais l’attachement à la personne du Prophète (saw). Comment un amoureux de ce dernier peut dire ces choses insultantes que certains lui reprochent ?

Il est temps d’en finir avec l’affaire Cheikh Khaled. Que ceux qui ne veulent pas l’écouter ne l’écoutent point ! Et, surtout, que nos institutions se ressaisissent avant qu’il ne soit trop tard !

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