Divers médias relatent des cas de prostitution de mineures ces dernières semaines.

Une mineure de 17 ans forcée de se prostituer par un couple de proxénètes. Ou une enfant de 13 ans. Les cas sont malheureusement beaucoup plus exhaustifs.

Pour rappel, la Child Protection Act à Maurice définit un enfant comme une personne de moins de 18 ans.

De multiples réactions à ce genre d’articles, sur les réseaux sociaux ou pages web de ces médias, remettent en cause l’innocence de ces jeunes victimes. Des propos inquiétants, preuve d’une grande méconnaissance de ce qui est en jeu dans les abus sexuels, sont tenus.

« Li pa posib ki enn tifi 13 an inn forse par enn zom », ou encore : « Quand je vois toutes ces jeunes filles à Maurice habillées indécemment, où des parties de leur corps sont dénudées […] ça doit en faire réagir plus d’un. »

Les agressions sexuelles ne sont pas des excès de pulsions.

Ce sont des êtres humains qui agressent d’autres. Des êtres humains dotés de cerveau, de parole. C’est bien ce qui les différencie des animaux !

Un être humain peut « réagir » en  respectant tout individu aussi « indécemment » vêtu soit-il !

On lit aussi : « A 15 ans, quand même on sait ce qu’on fait ! »

Non justement, pas forcément.

On ne sait pas forcément ce qu’on fait quand on est enfant.

On ne mesure pas forcément les enjeux des actes sexuels. Notamment quand ils sont commis par des personnes issus du cercle de confiance de l’enfant. Cas de plus de 80 % des abus sexuels.

Manipulation. Emprise.

La majorité des prédateurs sexuels met en place une stratégie pour appâter un enfant.

Ce type d’agresseur sexuel se rapproche de l’enfant qui l’attire. Il le met en confiance, lui donne des cadeaux ou lui fait des compliments. Il s’assure que l’enfant gardera le silence.

Il manipule l’enfant lui faisant croire que ce type d’actes est normal.

Que ces actes sont faits par amour.

Que c’est bien de lui donner du plaisir.

Dre Muriel Salmona, psychiatre et psychothérapeute écrit en mars 2014, « les pédocriminels sexuels sont des prédateurs et ils savent très bien ce qu’ils font. Intentionnellement, ils organisent des pièges et des mises en scène qui ne laissent aucune chance à leurs proies. »

Comment donc, en tant qu’enfant, penser que l’abus sexuel commis par cette personne de confiance et appréciée serait anormal ?

Comment cette personne aimée supposée protéger les enfants peut donc agir à mal ?

Il est très difficile pour un enfant de le penser. Très difficile de s’opposer.

Le prédateur sexuel exerce son autorité abusive qui fera que l’enfant victime peut difficilement s’opposer à lui.

Dans les situations traumatiques, un système de protection se met en place.

Salmona poursuit: « L’agresseur qui isole, terrorise la victime va créer chez elle un sentiment de frayeur, de perte de repères, parfois même un sentiment de danger de mort qui la sidère. Cette sidération empêche de contrôler le stress extrême éprouvé et le cerveau va disjoncter puisqu’il ne parvient pas à moduler la réponse émotionnelle. »

La victime sidérée ne peut plus réagir, se défendre, crier, s’enfuir.

Il ne s’agit donc pas de clamer qu’un enfant de 13 ans sait ce qu’il fait.

Qu’il n’a qu’à s’enfuir. Ou crier et appeler à l’aide.

Cet état de sidération sera mis en place comme mécanisme de défense, par toute personne victime, pour se protéger de la souffrance et de l’atrocité subies. Mécanisme de défense automatique et inconscient. Comme le déni où la personne victime va occulter l’événement traumatique. Ou la dissociation, autre mécanisme de survie psychique qui est une déconnexion ou anesthésie émotionnelle.

La prostitution, conséquence des abus sexuels.

Entre 76 % et 90 % des femmes et hommes prostitués ont subi des agressions sexuelles dans leur enfance, notamment des situations d’inceste. (Hill &  Kathryn, 1992)

Le corps si longtemps considéré comme objet sexuel, objet de plaisir d’autrui, dès l’enfance, peut donc être mis à disposition. La personne étant dissociée. Et ayant une image d’elle très fragilisée.

Changeons de regard envers les mineurs victimes d’abus sexuels.

Ils peuvent rarement se défendre.

Et la prostitution est très souvent juste une conséquence de ces abus. Juste un signe de mal-être.

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